Un matin de novembre 2001, Ali Sikander, responsable des opérations en Afghanistan du Secours islamique (Islamic Relief), resté dans le pays alors que la plupart des autres organisations humanitaires l'abandonnaient, eut l'un des chocs de sa vie: une chaîne de télévision française venait de prétendre que son organisation était liée à Al-Qaïda!
Il imaginait déjà son bureau assiégé par des blindés et téléphona à la journaliste pour dissiper le malentendu. Certaine d'avoir un dangereux terroriste au bout du fil, celle-ci n'était pas rassurée, se souvient avec amusement le spécialiste de l'aide au développement, au flegme et à l'humour tout britanniques. Quelques heures plus tard, la chaîne de télévision rectifiait: elle avait confondu Islamic Relief avec une organisation au nom voisin.
Cliquer ici [le lien ne fonctionne malheureusement plus et n'est pas accessible non plus par Internet Archive - 30.08.2016] pour lire le communiqué du Secours islamique du 21 septembre 2001 indiquant que celui-ci ne doit pas être confondu "avec d’autres associations humanitaires telles que International Islamic Relief Organization, Islamic Relief International, Islamic Relief Agency…, avec lesquelles nous n’avons aucun lien".
Le Secours islamique occupait le plus vaste espace de la rencontre du Bourget et faisait connaître ses actions à travers le monde. Secrétaire de rédaction du périodique nouvellement créé en 2002 en France sous le nom de Planète humanitaire, Malika Latrèche faisait connaître inlassablement et avec conviction les efforts de cette organisation, fondée à Birmingham en 1984 et active en France depuis 1992. Après des débuts très modestes, le Secours islamique y est manifestement en plein expansion et constitue ainsi une expression supplémentaire de la vitalité des initiatives associatives musulmanes dans ce pays.
L'activité humanitaire islamique reste souvent peu connue en dehors des milieux musulmans, mais elle bénéficie également de soutiens occidentaux: des institutions européennes et le gouvernement britannique sont les plus importants donateurs pour l'aide fournie à l'Afghanistan, explique Ali Sikander. En outre, il faut noter que le Secours islamique collabore avec une variété d'autres ONG (non musulmanes), y compris d'ailleurs avec des organisations humanitaires d'inspiration chrétienne. Des hommes et des femmes comme Ali Sikander sont des professionnels de l'action humanitaire, avec une expérience de terrain acquise également dans des organisations non islamiques.
Selon ses observations, cependant, l'identité islamique de l'organisation vaut à celle-ci un capital de confiance important en Afghanistan. Il cite par exemple un projet en cours à Kandahar: le Secours islamique a mis en œuvre la reconstruction de 41 écoles et la formation des maîtres qui y enseigneront. Les autorités locales se montrent bien disposées à l'égard d'une telle initiative sous l'égide du Secours islamique, car elle n'est pas perçue comme une intrusion étrangère, alors que les réactions à un programme éducatif occidental pourraient être plus problématiques. En fait, rapporte Ali Sikander, les autorités locales auraient explicitement demandé que le projet soit placé sous la responsabilité du Secours islamique.
Autre souci, celui des nombreuses personnes déplacées. Ali Sikander et ses collègues voudraient aussi contribuer à résoudre un problème crucial en Afghanistan: "Le pays a connu une véritable fuite des cerveaux." A défaut de convaincre les expatriés de haut niveau de revenir dans un pays où l'avenir reste encore incertain, le Secours islamique entend développer des contrats de courte durée (6 mois) qui leur permettraient de venir participer à la reconstruction de leur patrie dévastée par les guerres successives.
Jean-François Mayer
Site international d’Islamic Relief:
http://www.islamic-relief.com
Site français du Secours islamique:
http://www.secours-islamique.org
Cet article accompagnait un reportage publié le même jour sur la Rencontre annuelle des musulmans de France au Bourget en 2002: