Cette page offre un choix de quelques nouvelles recueillies dans l'actualité du mois d'avril. Au milieu des nombreuses dépêches sur le conflit israélo-palestinien, aucune n'a fait les titres de grands médias francophones. Ces "brèves" s'inscrivent dans notre souci de prêter attention également aux "signaux faibles" et de compléter ce qu'apportent les sources d'information destinées au grand public.
- Patriarche orthodoxe de Jérusalem et Etat israélien
- Colonies juives en Cisjordanie
- Formation rabbinique américaine et séjours en Israël
- Protestants américains et Israël
- Lobbying pro-israélien de milieux évangéliques
- Vers un "jihad électronique"?
- Toujours pas de reconnaissance du Patriarche Irénée de Jérusalem par le gouvernement israélien. Elu le 13 août 2001 patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem par le synode, le prélat devait formellement obtenir l'approbation d'Israël, de la Jordanie et de l'Autorité palestinienne, en application d'anciennes réglementations d'origine ottomane et toujours en vigueur. Tant la Jordanie que l'autorité palestinienne avaient immédiatement donné leur feu vert, mais le gouvernement israélien s'y refuse, soupçonnant le nouveau patriarche de sympathies pro-palestiniennes trop affirmées. Notamment à la suite de la visite en Terre sainte de Mgr Christodoulos, Archevêque d'Athènes, au mois d'avril, des espoirs étaient nés de voir les dirigeants israéliens finalement donner leur approbation, d'autant plus que la diplomatie israélienne presse apparemment Ariel Sharon de mettre un terme à cette situation. Le premier ministre israélien semblait prêt à faire le pas, mais, lors de la séance du gouvernement du 21 avril 2002, plusieurs membres de son gouvernement ont continué à exprimer des réserves, nous apprend le Jerusalem Post (22 avril 2002). Même si cela n'empêche pas le Patriarche Irénée d'occuper de fait ses fonctions, cela lui vaut en revanche plusieurs chicanes administratives. Le New York Times (25 avril 2002) souligne que, de l'avis de nombre d'observateurs, le problème crucial est celui des importantes propriétés foncières du Patriarcat de Jérusalem. Les opérations immobilières du Patriarche Diodore, prédécesseur de Mgr Irénée, avaient donné lieu à de nombreuses interrogations. Le nouveau patriarche s'est engagé non seulement à la transparence, mais également à revoir les transactions opérées au cours des dernières années. Or, il s'agit dans certains cas de locations à bail à des promoteurs israéliens, qui devront être renouvelées dans les années à venir: sujet très épineux dans le contexte de Jérusalem...
- Poursuite de l'implantation de colonies de peuplement juives. Selon un rapport publié le 19 mars 2002 par l'organisation pacifiste israélienne Peace Now sur la base d'observations aériennes, 34 nouvelles colonies de peuplement auraient été établies en Cisjordanie depuis l'élection d'Ariel Sharon en février 2001 (est considéré comme nouveau tout établissement situé à 700 mètres au moins d'une colonie déjà existante, même si ce calcul est parfois contesté par les colons). Au mois de février, la population des résidents des colonies de peuplement était estimée à 230.000, indique la Jewish Telegraphic Agency (29 avril 2002), soit un doublement depuis dix ans. 206.000 de ces colons juifs vivent en Cisjordanie (130 colonies), 6.400 à Gaza (16 colonies) et 17.000 sur les hauteurs du Golan (33 colonies). Des colons ont certes quitté la région depuis le début de l'intifada, même si les chiffres donnés par le Yesha Council (Conseil des colonies en Judée, en Samarie et dans la bande de Gaza) et ceux avancés par Peace Now divergent. Les nouveaux colons qui viennent s'installer dans cette zone à risques seraient en majorité des juifs animés par des motivations religieuses ferventes.
- Programmes de formation rabbiniques américains: le choc du conflit israélo-palestinien. Les juifs libéraux qui suivent une formation rabbinique au Hebrew Union College-Jewish Institute of Religion doivent passer à Jérusalem leur première année d'étude. La direction de l'école hésite cependant cette année, en raison de l'insécurité créée par le conflit et a déjà décidé de retarder à la fin du mois d'août (au lieu de juillet) le début du semestre, afin de pouvoir évaluer la situation, rapporte la Jewish Telegraphic Agency (29 avril 2002). A la suite de l'attentat suicide lors du seder pascal de Netanya, le séminaire a offert aux 60 étudiants actuellement en Israël la possibilité de revenir plus tôt, et un tiers d'entre eux ont choisi cette solution. D'autres institutions américaines de formation rabbinique ont accordé des exemptions ou envisagent l'éventuelle annulation de leur programme en Israël, en fonction des développements dans le pays.
- Protestants américains: un peu plus favorables à Israël que les catholiques en raison de convictions bibliques. Selon un sondage Gallup, rendu public le 29 avril 2002, 47% des Américains sympathisent avec les Israéliens, tandis que 13% sont favorables aux Palestiniens, 40% n'exprimant aucune préférence dans un sens ou dans l'autre. On constate cependant que le pourcentage des catholiques qui sympathisent avec les Israéliens est un peu plus faible que celui des protestants (42% au lieu de 49%). Surtout, les catholiques sympathisants d'Israël tendent à justifier ce soutien avant tout pour des raisons pragmatiques: parce qu'Israël combat le terrorisme et est victime de celui-ci (26% des catholiques sympathiques à Israël, 20% des protestants). La seconde raison la plus souvent invoquée par les sympathisants d'Israël est la conviction qu'Israël a un droit légitime à la possession du pays, notamment pour des raisons bibliques: 19% des protestants sympathisants citent cette raison (11% des catholiques). Bien entendu, en raison de l'extrême variété du protestantisme américain, les résultats de ce sondage n'ont qu'une valeur limitée: il aurait fallu une subdivision entre familles protestantes. Le résultat constitue cependant un indice de la diffusion d'interprétations prophétiques millénaristes, selon lesquelles l'établissement de l'Etat d'Israël s'inscrit dans un scénario biblique lié aux événements des derniers temps et préludant au retour du Christ. Religioscope aura l'occasion de revenir sur ces sujets, dont l'importance ne doit pas être négligée.
- Lobbying des chrétiens conservateurs évangéliques américains en faveur d'Israël. Les dirigeants de la droite chrétienne américaine ont été les plus fermes soutiens d'Ariel Sharon durant la récente offensive israélienne en Cisjordanie, souligne un récent article d'IPS publié parGlobal Info (25 avril 2002). Selon l'analyse de Jim Lobe, auteur de l'article, c'est le fruit d'une stratégie amorcée dès 1977 par le Likoud israélien sous la direction du premier ministre Menahem Begin en vue de développer de bonnes relations avec les milieux évangéliques américains (au départ pour freiner les efforts du président Jimmy Carter). Non seulement ces milieux se montraient sensibles aux références bibliques, mais, comme nous venons de le rappeler dans la nouvelle précédente, se montrent également convaincus que les développements au Proche-Orient sont étroitement associés aux événements apocalyptiques: ces groupes voient dans l'histoire actuelle (particulièrement autour d'Israël) la réalisation de prophéties bibliques. Certains de ces courants se désignent eux-même sous le nom de "chrétiens sionistes". L'alliance n'est cependant pas dénuée d'ambiguïtés, puisque ces groupes ne sont pas toujours les moins actifs en vue de la conversion des juifs. Mais elle vaut dans l'immédiat des appuis aux "faucons" de la politique israélienne, en raison de la présence d'un actif lobby évangélique dans les sphères parlementaire et gouvernementale des Etats-Unis. Ces relations sont donc soigneusement cultivées. Ce lobby ne dicte certes pas la politique américaine, fait observer le Christian Science Monitor (16 avril 2002), mais leur voix n'est pas la moins forte dans le débat américain autour du Proche-Orient. Même si une autre voix commence à se faire entendre aussi à Washington: celle des Américains d'origine arabe. D'autres éléments beaucoup plus politiques et électoralistes pèsent cependant aussi dans la balance: alors que le président Bush n'avait reçu que 19% du vote juif en l'an 2000 (les démocrates avaient également bénéficié d'un soutien financier beaucoup plus fort de la part de donateurs juifs), son attitude pourrait encourager plus d'électeurs juifs à soutenir le Parti républicain dès les élections parlementaires de l'automne 2002 (Washington Post, 30 avril 2002). Les électeurs juifs ne représentent que 4% à l'échelle nationale, mais leur vote peut être crucial dans certains Etats.
- Vers un "jihad électronique" en réponse à la situation au Proche-Orient? Une flamme qui consume un drapeau américain et une autre qui brûle un drapeau israélien: telle est l'animation qui égaie le site islamiste et antisioniste Unity. Dans un article publié par IT-Director.com (5 avril 2002), republié depuis sur le site de Global Profile, et intitulé "The e-Jihad against Western Business", Giles Trendle rapporte d'intéressantes déclarations de l'auteur du site en réponse à ses questions. Le rédacteur de Unity appelle à utiliser les ressources d'Internet pour attaquer l'ennemi: "Alors que la technologie de l'information en arrive à gouverner tous les domaines de notre vie, il n'est plus nécessaire d'avoir des roquettes pour détruire une installation électrique." Et d'ajouter: "Infiltrer plutôt les réseaux de l'ennemi et y déposer votre code fournira un meilleur résultat." La cyberguerre devient de plus en plus une réalité, et les technologies de l'information peuvent se transformer en armes. Dans le cas des tensions au Proche-Orient, des actions de cyberguerilla (lancées par des partisans des deux camps) s'étaient notamment déjà produites au cours du dernier trimestre de l'an 2000: le site du Hezbollah s'était ainsi passagèrement retrouvé "hors combat". Nombre d'experts craignent que la cyberguerre prenne bientôt une nouvelle ampleur (analyse d'ailleurs partagée par le responsable des sites du Hezbollah); et, en raison des caractéristiques du réseau Internet, une offensive lancée dans une région pourrait avoir des répercussions beaucoup plus larges (diffusion de virus, par exemple). Si la "guerre sur le Web" a surtout été jusqu'à maintenant une guerre de propagande - certes pas sans importance - la question qui se pose est de savoir si elle pourrait se transformer en actions visant à perturber des infrastructures (ce qui ne serait pas sans conséquences en Israël, en raison de la très forte densité du réseau Internet dans ce pays).
Ces notes ont été rédigées par Jean-François Mayer.