- Activisme de Falun Gong et répression en Chine
- Nouvelles des Abayudaya en Ouganda
- Eglises indépendantes africaines et Eglises historiques
- Statistiques jésuites
- Problèmes d'image pour l'Arabie saoudite
- Islamisme au Pakistan: madrasas et partis
- Rabbins juifs réformés et conflit israélo-arabe
- Jeunesse indonésienne et réveil islamique
- Episcopaliens américains et "évêques volants"
- Eglises évangéliques ethniques
- Convertis musulmans au christianisme: Kabylie et Danemark
- Conversions au judaïsme aux Etats-Unis
- Statistiques du judaïsme américain
- Clergé et pédophilie: controverses et analyses
Dans la nuit du 5 mars 2002, des membres de Falun Gong avaient effectué une audacieuse opération de piratage télévisé en Chine: à Changchun (1,3 million d'habitants), ville natale de Li Hongzhi (fondateur du mouvement), dans le nord-est du pays, les programmes télévisés par câble avaient été interrompus à l'heure de plus forte écoute et remplacés par deux films faisant l'éloge de Falun Gong et critiquant la répression exercée par le gouvernement chinois. Cette action d'éclat démontrait en même temps la persistance du groupe dans la clandestinité. Il est vrai que le nombre de pratiquants passe pour avoir été particulièrement élevé dans cette ville à Changchun - où 300.000 foyers reçoivent la télévision par câble. Le moment était manifestement choisi pour sa portée symbolique, puisque le piratage s'est produit à l'heure où le Premier ministre présentait un important discours. La BBC(2 avril 2002) annonce que la police chinoise a maintenant arrêté une vingtaine de membres de Falun Gong accusés d'être impliqués dans cette opération. Le Falun Dafa Information Center commente ces derniers développements (2 avril 2002) en soulignant que l'action même et l'ampleur de l'opération policière en réaction infirment les affirmations gouvernementales selon lesquelles le groupe serait pratiquement éradiqué.
L'affaire du 5 mars, la persistance des activités du mouvement dans la clandestinité et l'activisme croissant d'adeptes étrangers de Falun Gong qui viennent manifester jusqu'en Chine même avant d'en être expulsés, ne paraissent pas de nature à calmer les inquiétudes du régime de Beijing face aux activités du groupe. La répression illustre aussi la difficulté des autorités à trouver une approche pour répondre à ce défi inédit. L'activité du groupe est perçue comme une menace politique. Dans le dernier numéro (2/2001) de la revue semestrielle allemande Religion- Staat- Gesellschaft (Berlin), un article du chercheur et prêtre catholique Roman Malek sur l'Etat face à la nouvelle religiosité en Chine suggère de replacer la polémique contre Falun Gong dans une perspective historique beaucoup plus longue. L'approche étatique chinoise de la religion a toujours été caractérisée par l'antinomie "orthodoxie-hétérodoxie" (ce qui rend plus compréhensible l'étrange usage d'une expression telle que "secte hérétique" par un régime communiste...). Aussi bien dans la Chine confucéenne que dans la Chine communiste, une religion est supposée s'intégrer dans l'ordre étatique et contribuer à la stabilité de celui-ci. Une religion peut bénéficier d'une tolérance conditionnelle - pour autant qu'elle collabore harmonieusement avec l'orthodoxie étatique. Cela suppose que la religion se soumette également au contrôle de l'Etat, même si celui-ci n'a jamais été parfait dans l'histoire de la Chine.
L'article le plus souvent lu par des visiteurs de Religioscope au mois de mars a été celui que nous avons consacré à la réception officielle des Abayudaya de l'Ouganda dans le judaïsme. Donnons donc quelques nouvelles de cette communauté, car sa célébration de Pesach a retenu cette année l'attention d'un correspondant de l'agence Associated Press (27 mars 2002). L'article note l'ardent désir de la communauté juive ougandaise de créer des liens plus étroits avec les juifs à travers le monde afin de sortir de son isolement. Si quelques-uns envisagent l'émigration vers Israël (en Ouganda, "il n'y a pas d'endroit où l'on peut manger casher, il n'y a pas tellement de juifs", souligne un jeune membre du groupe), d'autres souhaitent au contraire rester dans leur pays: "Nous pouvons créer notre propre Israël ici", déclare l'ancien président d'une des cinq synagogues des Abayudaya. Beaucoup d'Abayudaya s'efforcent de respecter les règles du judaïsme. Ils prient en hébreu à la synagogue, tandis que les prédications se font en luganda. Comme nous l'avions signalé, l'article rappelle que certains Abayudaya n'ont pas accepté de passer par une conversion, se sentant suffisamment juifs. Et l'agence cite en conclusion le dirigeant spirituel du groupe, Gershom Sizomu, âgé de 33 ans, qui a eu l'occasion de voyager à l'étranger: "Nous sommes plus orthodoxes que la plupart des juifs, Américains ou Israéliens."
Un fait religieux qui retient encore peu l'attention de la plupart des Occidentaux est la présence des Eglises africaines (diversement qualifiées par des expressions telles que "Eglises indépendantes africaines", "Eglises afro-chrétiennes", etc.). Selon certaines estimations, elles pourraient compter jusqu'à 50 millions de membres sur tout le continent, mais répartis entre des milliers de groupes: la créativité religieuse a été florissante en Afrique subsaharienne. La présence de ces Eglises ne se limite pas à leurs pays d'origine: elles existent également (et fleurissent) dans des pays occidentaux.Religioscope aura l'occasion de revenir sur cette réalité du paysage religieux contemporain. Pour le moment, bornons-nous à signaler que l'Alliance réformée mondiale (ARM) et l'Organization of African Instituted Churches (OAIC, P.O. Box 21736, Nairobi, Kenya) ont souligné la nécessité de poursuivre le dialogue lors d'une réunion consultative qui s'est tenue à Nairobi au mois de février, relate l'African Church Information Service (25 février 2002). Les relations entre Eglises d'origine africaine et organisations chrétiennes d'origine occidentale se développent depuis plusieurs années. Lors de son assemblée de 1991 à Canberra, le Conseil oecuménique des Eglises (COE) avait d'ailleurs exprimé le désir d'établir et de renforcer des relations non seulement avec les courants évangéliques et pentecôtistes, mais également avec les Eglises indépendantes d'Afrique et d'ailleurs.
En ce qui concerne les rapports entre l'ARM et l'OAIC, les deux organisations ont déjà eu des sessions de dialogue en 1998, 1999 et 2001. Les participants à la session de l'année 2001 avaient affirmé que "nos deux familles [d'Eglises] sont engagés dans la pratique de la foi chrétienne trinitaire dans sa plénitude, bien qu'avec des accents différents". Il faut dire que des membres des Eglises traditionnelles ont souvent mis en doute la théologie de nombre de ces Eglises. Notons que la réunion de février 2002 a souligné les aspirations des Eglises africaines à développer leur propre matériel théologique et évoqué les moyens de les soutenir. Depuis plusieurs années, certaines communautés chrétiennes s'efforcent d'appuyer dans cette démarche les Eglises indépendantes sans leur demander pour autant de renoncer à leur spécificité. L'existence d'organisations comme l'OAIC (fondée en 1978 déjà) exprime aussi le désir de nombre d'Eglises indépendantes de se voir reconnues comme composantes légitimes et à part entière de la famille chrétienne mondiale.
Au début de l'année 2002, il y avait dans le monde 20.741 jésuites, nous apprend le service d'information de la Conférence des provinciaux européens de la Compagnie de Jésus (1er mars 2002). Plus exactement: 14.623 prêtres, 3.940 scolastiques, 2.155 frères. Cela marque une diminution de 320 membres par rapport à l'année précédente; 469 jésuites sont décédés en 2001. 18,9% du nombre total des jésuites se trouvent en Asie méridionale et 16,7% aux Etats-Unis.
Les Saoudiens ont de sérieuses craintes pour leur image dans le monde, explique le site anglophone d'Intelligence Online (28 mars 2002). Trois nouvelles agences de lobbying ont été engagées par l'Arabie saoudite au cours des dernières semaines. Leur rôle sera probablement de projeter l'image d'un pays soutenant pleinement la lutte contre le terrorisme. Les appuis donnés par des Saoudiens à des organisations islamistes radicales deviennent en effet embarrassants dans le contexte chaud de l'après-11 septembre. Comme on le sait, les milieux radicaux bénéficiaient de sympathies dans l'establishment religieux saoudien. A long terme, cela ne soulève pas simplement une question d'image, mais bien la nature et l'orientation d'un pays qui contrôle les lieux les plus saints de l'islam...
Les médias internationaux accordent beaucoup d'attention aux récentes mesures prises pour contrôler les écoles religieuses au Pakistan. Il y aurait 7.000 à 8.000 madrasassur territoire pakistanais. Au mois de mars, ces écoles ont été contraintes de renvoyer dans leurs pays des centaines d'étudiants étrangers, en application d'une décision du 12 janvier 2002 fixant au 23 mars l'ultime délai accordé aux étudiants sans visa pour quitter le Pakistan. L'objectif est d'entraver le recrutement et l'entraînement de militants par des organisations jihadistes dans certaines de ces institutions d'enseignement. De façon plus générale, les services de renseignement pakistanais doivent s'occuper de l'extrémisme islamiste: cela implique une réorientation importante de leurs activités.
Notons surtout les conséquences des développements des derniers mois pour les partis politiques religieux au Pakistan - mouvements très actifs, mais avec des résultats électoraux plutôt modestes. Personne ne s'attend vraiment à les voir atteindre des résultats spectaculaires aux élections d'octobre 2002. En revanche, les bouleversements des derniers mois et la fermeté du pouvoir (qui a mis sous les verrous durant plusieurs mois une série de figures de proue de l'islam politique) semblent entraîner un rapprochement entre partis islamistes jusqu'alors rivaux, comme le montrent par exemple les rencontres entre dirigeants du Jamiat Ulema-e-Pakistan et du Jamaat-e-Islami. Les deux mouvements ont d'ailleurs annoncé au mois de mars leur décision de développer une stratégie commune et de présenter des candidats communs aux élections de l'automne.
Les rabbins américains de la branche réformée du judaïsme tendent à adopter une ligne politique plus dure en raison de l'évolution de la situation au Proche-Orient, note le Jerusalem Post (7 mars 2002). Très souvent, les rabbins du courant réformé - le plus libéral du judaïsme américain - tendaient à se ranger du côté des "colombes" sur la scène politique. Mais les choses changent: par exemple, les dialogues entre juifs et Palestiniens organisés sous leurs auspices ont cessé, même si des discussions se poursuivent avec des musulmans non palestiniens. L'approche des rabbins réformés à l'égard du Premier ministre Ariel Sharon tendrait également à devenir moins critique, si l'on en croit du moins les rabbins réformés cités par le quotidien israélien à l'occasion de la convention annuelle de la Conférence centrale des rabbins américains, qui s'est déroulée à Jérusalem. Un nombre croissant de rabbins réformés rejoindraient ainsi les rangs des déçus du processus d'Oslo.
La jeunesse indonésienne et le réveil islamique: c'est le sujet auquel s'intéresse Yatun Sastramidjaja dans le numéro de janvier 2002 de l'ISIM Newsletter. En effet, après l'intervention américaine en Afghanistan, des organisations de jeunesse islamiques ont mis sur pied des manifestations dans les principales villes du pays, qui n'ont pas vraiment donné au monde l'image d'un islam modéré. La pluralisme politique qui a suivi l'ère Suharto a permis à des voix marginalisées de se faire entendre - y compris celles de mouvements islamiques représentant différentes tendances. La présence publique de l'islam est devenue beaucoup plus manifeste et les enseignements islamiques beaucoup plus présents dans les journaux et à la télévision. En outre, le mode de vie islamique devient un choix délibéré pour des jeunes habitant dans les villes: les associations estudiantines islamiques ont le vent en poupe, en comparaison avec leur homologues nationalistes ou gauchistes. La question des limites de la tolérance et de la modernité se pose. Des organisations de jeunesse musulmanes radicales ont fait leur apparition à Djakarta: Gerakan Pemuda Islam (Mouvement de jeunesse islamique) et Front Pembela Islam (Front de défense islamique). Leur activisme - qui met beaucoup l'accent sur l'immoralité et la lutte contre les "vices sociaux" - est plus le reflet de circonstances et préoccupations locales que d'un programme islamique global, estime Yatun Sastramidjaja, même s'ils peuvent entretenir parfois des relations avec des organisations musulmanes internationales. La base de soutien de ces organisations radicales est relativement faible dans la jeunesse indonésienne, mais leurs activités rencontrent également peu d'opposition. Peut-être parce qu'elles répondent à leur façon à des soucis largement répandus aujourd'hui en Indonésie (déception envers les institutions traditionnelles, etc.). Elles s'inscrivent dans une renégociation d'identités. L'auteur suggère donc qu'il est préférable de ne pas développer une interprétation qui sépare strictement "modérés" et "radicaux", mais de prêter plutôt attention aux approches variées de jeunes Indonésiens pour répondre au défi à la fois de la modernité et d'un effondrement de l'establishment de leur pays.
Nous avions signalé au mois de janvier que l'Eglise épiscopalienne américaine (forte de 2,5 millions de fidèles) envisageait d'adopter le système des "évêques volants" (flying bishops") pour répondre aux attentes de fidèles d'orientation conservatrice, insatisfaits d'évêques jugés trop libéraux. Ce système permettant à des paroisses de se placer sous la juridiction d'un évêque sur une base non territoriale avait déjà été introduit dans l'Eglise d'Angleterre, à la suite de l'introduction de l'ordination sacerdotale des femmes. Lors d'une réunion des évêques épiscopaliens au mois de mars, ceux-ci ont donné leur feu vert à l'introduction d'un système devant permettre de "fournir une supervision temporaire aux paroisses conservatrices dissidentes opposées à la politique de l'Eglise nationale en matière de moralité sexuelle et sur d'autres questions", rapporte la Houston Chronicle (12 mars 2002). LeCovenant on Episcopal Pastoral Care qui sera ainsi introduit exigera cependant l'approbation préalable de l'évêque diocésain. Le service de presse de l'Eglise épiscopalienne (21 mars 2002) a pris grand soin de souligner qu'il ne s'agissait pas d'un système d'"évêques volants" à proprement parler, les évêques qui viendront dans d'autres diocèses le feront à l'invitation et avec la permission de l'évêque diocésain. A long terme, l'espoir est cependant de voir ces paroisses revenir à une relation normale avec l'évêque diocésain. l'Eglise épiscopalienne a perdu près d'un million de membres aux Etats-Unis au cours des vingt dernières années. Dans plusieurs cas, des paroisses entières ont fait défection pour rejoindre l'un des groupes épiscopaliens dissidents. Les dirigeants épiscopaliens sont particulièrement préoccupés par les activités de l'Anglican Mission in America (AMIA). En effet, en 2001, un archevêque anglican asiatique, trois prélats anglicans rwandais et deux évêques américains à la retraite ont consacré à Denver des évêques pour les Etats-Unis. Au mois de février 2002, une déclaration unanime du Conseil exécutif de l'Eglise épiscopalienne a vivement critiqué ces consécrations, considérées "au mieux comme irrégulières" (Episcopal News Service, 28 février 2002).
Dans l'entretien qu'il avait accordé à Religioscope, Olivier Favre, spécialiste suisse de l'évangélisme, soulignait l'importance croissante de communautés évangéliques ethniques. La situation n'est pas propre au contexte suisse, bien sûr. Dans son édition du 12 mars 2002, le Seattle Times titre: "Les Eglises ethniques attirent les foules." En fait, la lecture de l'article révèle qu'il s'agit d'un nouveau type d'Eglises ethniques: de nouvelles communautés formées par des Américains d'origine asiatique entre 20 et 40 ans, mais différentes des Eglises mono-ethniques dans lesquelles ils ont souvent passé leur enfance. Non seulement à Seattle, mais à travers toute l'Amérique du Nord, de plus en plus d'Eglises panasiatiques sont créées, et plusieurs d'entre elles accueillent volontiers des membres d'origine occidentale. Dans la pratique, cependant, elles restent souvent ethniques (par exemple coréennes), mais se distinguent d'Eglises de la génération précédente par un style moins formel, et ainsi mieux adapté à l'identité des jeunes générations d'origine asiatique qui ont grandi aux Etats-Unis. Le quotidien de Seattle souligne que, depuis plusieurs années déjà, tant les organisations évangéliques que d'autres groupes (par exemple l'Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours) ont développé des activités visant spécifiquement la population américaine d'origine asiatique. Et la croissance d'Eglises fondées par des Asiatiques s'explique également par le poids toujours plus grand de ce segment de la population des U.S.A.: 1% d'Américains d'origine asiatique il y a 20 ans, 3% aujourd'hui.
Le monde musulman passe souvent pour être imperméable aux missions chrétiennes. Cet avis devrait peut être s'accompagner de nuances, si l'on en juge par quelques informations récentes. Ainsi, sous la plume de Tahar Houchi, un article de l'agence de presse Infosud (22 février 2002) indique une récente progression des conversions de Kabyles au protestantisme. Ces conversions se produiraient dans toute l'Algérie, mais surtout en Kabylie, et elles ont été évoquées - de façon pas toujours positive - par la presse. Le journaliste considère cependant avec prudence le chiffre de mille conversions par an qui est parfois évoqué. Deux éléments intéressants ressortent de l'article: d'une part, le phénomène de conversion comme produit d'une déception par rapport à l'islam et aux autorités; d'autre part, le rôle de programmes de radio évangéliques, qui peuvent être captés partout.
Autre information du même ordre, mais au sujet de la diaspora musulmane: selon l'agence de presse évangélique allemande idea (22 mars 2002), on observerait au Danemark une croissance du nombre de convertis musulmans. Dans la seule ville d'Odense, une communauté pentecôtiste affirme avoir baptisé 50 musulmans au cours des trois dernières années. Si ces conversions vont d'abord vers des Eglises évangéliques, elles ne s'y limitent pas, puisqu'une paroisse de l'Eglise luthérienne de Copenhague aurait reçu 25 convertis musulmans au cours de la même période. Religioscope n'a pas connaissance pour l'instant d'études à ce sujet.
Le New York Times (24 mars 2002) s'est intéressé aux conversions au judaïsme aux Etats-Unis, un sujet que nous avions déjà brièvement évoqué dans le cadre de Religioscope. Partant de l'exemple d'une famille de Marietta (Georgie) convertie au judaïsme, le quotidien cite les chiffres avancés par Egon Mayer, directeur du Center for Jewish Studies à la City University (New York): entre 4.000 et 5.000 personnes se convertissent chaque année au judaïsme aux Etats-Unis, où il y a probablement aujourd'hui environ 200.000 "juifs par choix". Bien entendu, beaucoup de ces conversions sont liées à un mariage. Mais il y a aussi de plus en plus de conversions de personnes en recherche spirituelle. Le phénomène est particulièrement notable dans le Bible Belt. Un rabbin du Texas indique recevoir un nombre extraordinaire de demandes de personnes envisageant une conversion: "Je crois qu'il y a ici un nouvel élément de philosémitisme dans les communautés chrétiennes. Maintenant les évangéliques, qui étudient la Bible sérieusement, développent un philosémitisme, un véritable respect pour le judaïsme."
Si les communautés orthodoxes et conservatrices acceptent les conversions, des rabbins de la branche réformée du judaïsme se trouvent pour leur part engagés dans une démarche active pour attirer des convertis: un rabbin d'Atlanta n'hésite pas à recourir aux petites annonces, aux publicités radiophoniques - et sa communauté a grandi: en 10 ans, elle est passée de 295 à 900 familles. Ce rabbin, Steven Lebow, estime que la réticence à l'égard des conversions est une grande faiblesse du judaïsme: "Permettez-moi de suggérer un paradigme différent pour le 21e siècle, un modèle selon lequel le judaïsme se lance dans la compétition sur la place de marché des idées." Le rabbin Lebow y voit aussi une réponse à la situation démographique du judaïsme américain.
Quel tableau statistique présente donc aujourd'hui le judaïsme aux Etats-Unis? En février 2002, Egon Mayer (cité dans la note précédente) et deux de ses collaborateurs ont publié l'American Jewish Identity Survey 2001. L'étude s'intéresse précisément à la démographie du judaïsme aux Etats-Unis. Les personnes se considérant comme juives (dans un sens religieux ou non) s'élèveraità 5,5 millions dans le pays. Environ 3,9 millions de foyers comptent au moins un juif. Mais 3,6 millions d'Américains seulement ont une mère juive (soit 65% des 5,5 millions se considérant comme juifs).
Un million de foyers sont affiliés à une communauté juive, ce qui - l'indice mérite d'être relevé - marquerait une progression de 15% par rapport à la situation de 1990. 44% des Américains se définissant religieusement comme juifs appartiendraient aujourd'hui à une communauté religieuse juive. 30% des juifs américains adultes se déclarant religieusement juifs (1,1 million) se réclament de la branche réformée du judaïsme. 940.000 (24%) s'inscrivent dans la ligne du judaïsme conservateur et 300.000 (8%) adhèrent au judaïsme orthodoxe.
Les turbulences autour des affaires de prêtres pédophiles (déjà évoquées par Religioscope) continuent d'agiter la presse américaine et internationale. Un sondage rendu public le 27 mars 2002 par l'Institut Gallup révèle que la majorité des catholiques américains sont sévères au sujet de la réaction de la hiérarchie face à cette crise: 72% estiment que l'Eglise romaine n'a pas adopté un comportement satisfaisant et que le souci de protéger son image l'a emporté sur les autres préoccupations. A lire les résultats du sondage, cette affaire pourrait avoir des répercussions sévères à d'autres niveaux: 30% des catholiques américains (dont 23% des pratiquants réguliers) ont l'intention de réduire leurs contributions financières. A côté de ces réactions immédiates, l'on peut cependant aussi remarquer des tentatives d'analyse, dont les résultats se révèlent d'ailleurs contradictoires. Auteur d'un livre publié en 1996 en anglais sur la pédophilie et le clergé, l'historien Philip Jenkins (Pennsylvania State University) - qui n'est pas catholique lui-même - explique que les cas d'abus sexuels existent certes, mais ont été exagérés: l'image des "prêtres pédophiles" serait largement un mythe, car la plupart des cas d'abus, certes répréhensibles, impliquent des adolescents ayant atteint l'âge du consentement légal. Il n'y aurait pas plus de pédophiles parmi les prêtres que dans le reste de la population. Jenkins souligne que, en parlant de prêtres pédophiles, les médias évitent d'aborder la question - politiquement "incorrecte" - de l'homosexualité dans le clergé: selon les analyses de Jenkins, il y aurait bien dans le clergé catholique un pourcentage d'homosexuels supérieur à la moyenne, a-t-il expliqué au New York Times (22 mars 2002).
En revanche, d'autres chercheurs, comme le sociologue Anson Shupe (Indiana University), estiment que les problèmes d'abus sexuels sont bel et bien plus fortement représentés dans les rangs du clergé catholique que dans ceux des autres grandes Eglises chrétiennes. "Il n'y a absolument pas d'équivalents protestants", a-t-il déclaré au Boston Globe (13 mars 2002). Il n'est cependant pas difficile de trouver au moins des cas isolés dans des communautés protestantes et juives, à en juger par les affaires recensées par les médias américains: sur 75 condamnations répertoriées aux Etats-Unis au cours des 17 dernières années par le Christian Science Monitor (21 mars 2002), 38 concernaient des prêtres catholiques, les autres principalement des membres du clergé de confessions protestantes (baptistes, méthodistes, pentecôtistes, épiscopaliens, etc.). Un psychologue de Minneapolis, Gary Schoener, qui a traité plus de 1.000 victimes d'abus sexuels par des membres du clergé, estime que la proportion de prêtres catholiques n'est pas supérieure à celle d'autres groupes religieux, mais qu'il faut en général plus de temps avant qu'ils ne soient démasqués et qu'ils font donc plus de victimes (Washington Post, 16 mars 2002). Ces contradictions d'un expert à l'autre semblent surtout révéler un manque de données solides pour une évaluation. En attendant, tant l'Eglise catholique romaine que différents autres groupes religieux affirment prendre des mesures afin de renforcer les contrôles et de prévenir de nouveaux scandales. Le débat va sans nul doute encore faire couler beaucoup d'encre.
Ces notes ont été rédigées par Jean-François Mayer.