Informations
- Pèlerinage à La Mecque - pour suivre l'actualité
- Bouddhisme à New York après le 11 septembre
- Jihadisme: mémoires d'Ayman al-Zawahiri
- Dialogue entre luthériens et adventistes: des réserves
- Associations turques pour le foulard islamique
- Afghanistan: bientôt des missionnaires?
- Guatemala: Eglise catholique et processus de paix
- Nouveaux mouvements religieux en Europe de l'Est
- Somalie: où sont passés les islamistes radicaux?
- "Doctrine du remplacement" et antijudaïsme
Livres
- Encyclopedia of Fundamentalism
- Misunderstanding Cults
Pèlerinage à La Mecque
"Tous les chemins mènent à La Mecque." Pour suivre l'actualité et les événements du pèlerinage à La Mecque, le journal saoudien de langue anglais Arab News met à disposition sur le Web une page bien fournie: "Hajj Watch". Cette page offre des articles qui permettent de suivre les différentes étapes du hadj, mais aussi les incidents qui l'émaillent (par exemple les problèmes rencontrés par des groupes de pèlerins pour atteindre La Mecque ou la mort de groupes de pèlerins dans des accidents). La page rapporte également d'importantes déclarations faites par des autorités religieuses ou civiles de l'Arabie saoudite. Une manière de vivre un peu l'atmosphère de ce gigantesque pèlerinage sans quitter son écran! (JFM)
URL: http://www.arabnews.com/Static/HajWatch.asp [cette page n'existe plus, mais une recherche en ligne avec l'expression 'Hajj Watch' produit plusieurs résultats - 03.09.2016]
Bouddhisme: moins attrayant après le 11 septembre?
Il faudra un jour écrire l'histoire des conséquences des événements du 11 septembre 2001 pour les religions, aux Etats-Unis et dans le monde. Les sondages effectués par des instituts tels que Gallup ou Barna Research (évangélique) tendent à montrer que la pratique religieuse, après avoir connu une poussée dans le sillage des événements, est revenue à son niveau normal aux Etats-Unis, rapporte le Washington Times (18 février 2001).
En revanche, on observe chez les bouddhistes new-yorkais des "dommages collatéraux" (sic) inattendus, pour reprendre l'expression de Barbara Crossette, journaliste du New York Times (12 février 2002). Dans le contexte de la "guerre contre le terrorisme", un message de paix et de compassion semble avoir moins d'attrait. En tout cas, alors que la vogue du bouddhisme était considérable à New York dans les mois qui précédaient les attentats, elle est subitement tombée, comme le reconnaissent les organisations bouddhistes elles-mêmes. Cela se manifeste également par une chute des dons aux associations bouddhistes. De façon plus générale, le phénomène touche également les groupes pacifistes et autres expressions de non-violence. Même le populaire Dalai Lama semble exercer un moindre attrait.
En dépit des inconvénients matériels entraînés par la baisse des contributions financières, les bouddhistes new-yorkais estiment que cela contribue également à mieux séparer les chercheurs spirituels sérieux des simples curieux. Et ils pensent que le recul n'est que temporaire. (JFM)
Jihadisme: Chevaliers sous l'étendard du Prophète - les mémoires d'Ayman al-Zawahiri
Né en 1951, Ayman al-Zawahiri est devenu l'un des très proches collaborateurs d'Ousama Ben Laden et est apparu à ses côtés sur certaines vidéos dont des extraits ont été diffusés sur toutes les chaînes de télévision du monde. Au mois de décembre 2001, le quotidien londonien en langue arabe a publié dans plusieurs éditions de longs extraits d'un livre encore inédit pour l'instant et qui est considéré comme une sorte de "testament spirituel" du jihadiste égyptien. Il évoque notamment dans ce texte son itinéraire.
Religioscope n'a pas encore eu la possibilité de se procurer une version intégrale de ce texte dans une langue occidentale. Si nous y parvenons un jour, nous ne manquerons pas de mettre cet important document en ligne. Mais nous avons découvert que la traduction en anglais des articles du quotidien Al-Sharq al-Awsat contenant plusieurs dizaines de pages de résumés et d'extraits de ce livre inédit, Chevaliers sous l'étendard du Prophète, est disponible sur le site de la Federation of American Scientists, dans sa section "Intelligence Ressource Program". On trouvera ci-dessous l'URL pour accéder à ce document.
Le texte d'Ayman al-Zawahiri est passionnant à plusieurs égards pour tous ceux qu'intéressent les courants jihadistes contemporains. Il confirme l'analyse faite Gilles Kepel et d'autres auteurs à partir du cas de Sayyid Qutb (1906-1966): en tout cas en Egypte, c'est la répression nassérienne des années 1960 contre les islamistes qui a nourri l'émergence du jihadisme, malgré les illusions du pouvoir de l'époque d'avoir écrasé le mouvement islamiste. Le livre contient également une analyse des résultats de 36 ans de mouvement jihadiste en Egypte: il n'a certes pas atteint ses objectifs, mais il beaucoup progressé, estime Zawahiri, qui rappelle qu'arriver au but "pourrait prendre plusieurs générations"; il n'y a pas là un sentiment d'imminence: les jihadistes doivent se montrer patients. Le texte offre également plusieurs aperçus sur les débats et divergences au sein des courants islamistes autour de la question de la lutte armée. En ce qui concerne les Frères musulmans, Zawahiri estime qu'ils sont en croissance, mais qu'ils se "suicident idéologiquement et politiquement". (JFM)
URL: https://web.archive.org/web/20050224051934/http://www.fas.org/irp/world/para/ayman_bk.html [plus accessible à l'URL d'origine, mais préservé grâce à Internet Archive - 03.09.2016]
Références: le livre de Gilles Kepel sur Sayyid Qutb et sa radicalisation dans les prisons nassériennes est l'ouvrage intitulé: Le Prophète et le Pharaon. Aux sources des mouvements islamistes (nouvelle éd.), Paris, Seuil, 1993, 316 p. Sur Sayyid Qutb, on lira également (en anglais) l'entretien avec le professeur Ibrahim Abu-Rabi publié par Religioscope au mois de janvier 2002.
Sur les mouvements islamistes, signalons un dictionnaire en anglais: Ahmad S. Moussalli, Historical Dictionary of Islamic Fundamentalist Movements in the Arab World, Iran, and Turkey, Lanham (Maryland)/London, Scarecrow Press, 1999, XXVIII+402 p.
Enfin, rappelons que Religioscope met à disposition des visiteurs du site les textes intégraux de plusieurs textes importants du jihadisme (en anglais), en particulier deux traités d'Abdullah Azzam (1941-1989).
Dialogue entre luthériens et adventistes: des réserves en Allemagne
Le 28 janvier 2002, le Comité national allemand de la Fédération luthérienne mondiale (FLM) a présenté ses réactions et commentaires sur les conversations bilatérales entre la FLM et la Conférence générale des adventistes du septième jour; il s'agit d'une série de consultations théologiques tenues de 1994 à 1998 et qui ont été publiées par les adventistes. Le Comité prend acte avec satisfaction de l'existence d'un tel dialogue et recommande de respecter les adventistes comme une "communion chrétienne mondiale", mais une "communion spéciale", à la différence des Eglises libres par exemple, en raison des enseignements particuliers auxquels ils demeurent attachés. Ils estiment qu'on ne pourrait pas recommander d'introduire une communion eucharistique avec les adventistes.
Aux yeux du Comité national allemand (qui réunit 13 Eglises), le rapport final sur les conversations entre luthériens et adventistes tend trop à ignorer les différences théologiques qui persistent. La Comité souligne l'existence de différences ecclésiologiques et également de divergences dans la compréhension de la Bible et dans l'eschatologie. Il souhaite cependant que ce dialogue se poursuivre.
L'Eglise adventiste du septième jour compte aujourd'hui plus de 12 millions de membres baptisés adultes dans le monde. Quant à la FLM, elle représente plus de 60 millions de luthériens. (JFM)
On peut trouver le texte complet (en allemand) de la prise de position du 28.1.2002 du Deutsches Nationalkomitees des Lutherischen Weltbundes sur son site Internet:
http://www.dnklwb.de
Site de la Fédération luthérienne mondiale (en allemand et en anglais):
http://www.lutheranworld.org/
Site officiel de l'Eglise adventiste du septième jour en anglais (avec accès à l'Adventist News Network en anglais, espagnol, français et portugais):
http://www.adventist.org/
Foulard islamique: des associations turques contre la répression
Le numéro de février 2002 du mensuel allemand Islamische Zeitung publie des entretiens avec deux musulmanes turques qui représentent des associations luttant pour le droit des femmes à porter le foulard. La première association, Özgür-der (Istanbul), entend venir en aide aux femmes qui rencontrent des difficultés à poursuivre leur formation en raison du port du foulard. Özgür-der a commencé par offrir à ces femmes une assistance juridique gratuite, puis a élargi ses activités à des possibilités de formation de substitution, mais sans vouloir ériger une véritable structure éducative parallèle, puisque le but final est de permettre aux femmes portant le foulard d'avoir plein accès aux universités turques. La question du foulard est intégrée dans une réflexion plus générale en matière de droits de l'homme, ce qui entraîne une étroite collaboration avec l'association (musulmane) de défense des droits de l'homme Mazlumder, fondée en 1991. Mazlumder a des bureaux dans différentes villes du pays et collabore également avec des associations "laïques" de défense des droits de l'homme. Özgür-der indique entretenir des relations officielles avec Amnesty International et chercher à élargir son réseau de contacts en Europe occidentale.
Quant à l'association Ak-der, elle assiste également les femmes (étudiantes, fonctionnaires, enseignantes) auxquels le port du foulard vaut des problèmes en Turquie. L'association leur fournit notamment une aide juridique et s'efforce de porter les cas devant des instances internationales. Sa représentante estime que seule une minosité d'"extrémistes kémalistes" en Turquie soutient l'interdiction du port du foulard, alors que celui-ci, affirme-t-elle, ne gêne pas la majorité de la population.
Ces initiatives et d'autres méritent l'attention dans la mesure où elles montrent comment certaines organisations musulmanes sont de plus en plus actives sur le terrain des droits de l'homme, entrant ainsi en contact également avec des associations de type séculier à travers des causes communes qui ne se limitent pas toujours à des causes spécifiquement islamiques, comme on le voit par exemple dans les initiatives de Mazlumder. (JFM)
Source: Islamische Zeitung,Postfach 601206, D-14412 Potsdam, Allemagne.
Site: http://www.islamische-zeitung.de
Afghanistan: bientôt des missionnaires?
On se souvient de cet épisode qui avait, parmi d'autres, marqué l'actualité des derniers mois du régime taliban en Afghanistan: des membres de l'organisation humanitaire chrétienne Shelter Now avaient été accusés de prosélytisme et arrêtés. Ils n'avaient retrouvé la liberté que lors de la déroute du régime. Plusieurs organisations humanitaires (y compris chrétiennes) avaient souligné que de telles activités de prosélytisme pouvaient mettre en danger leurs efforts de secours à des populations en détresse.
Mais qu'en est-il de l'Afghanistan d'après les talibans? Selon une dépêche d'Associated Press (23 février 2002), plusieurs activistes chrétiens souhaitent développer maintenant des activités missionnaires en Afghanistan, malgré la forte opposition à laquelle ils doivent s'attendre: "Comment pouvez-vous laisser un serpent pénétrer dans votre demeure?", s'indigne un pieux musulman de Kandahar. Des groupes américains entendent cependant promouvoir en Afghanistan le pluralisme religieux. Mais l'actuel gouvernement de Kaboul ne semble nullement avoir l'intention de libéraliser les activités missionnaires - ce qui ne pourrait d'ailleurs que susciter des réactions d'opposition dans une partie de la population.
Dans le contexte de la mondialisation, les conflits du prosélytisme ne vont pas décroître. Religioscope aura l'occasion d'y revenir. (JFM)
Guatemala: une étude sur le rôle de l'Eglise catholique dans le processus de paix
Dans son numéro de l'automne 2001, le Journal of Church and State publie un article de Bruce J. Calder (professeur associé d'histoire à l'Université d'Illinois, Chicago) sur le rôle de l'Eglise catholique et d'autres institutions religieuses dans le processus de paix au Guatemala de 1980 à 1996. La question de la possibilité pour des organisations religieuses d'influencer des conflits revient souvent aujourd'hui: c'est pourquoi nous résumons très brièvement quelques observations de cet article de 25 pages.
Le rôle de l'Eglise catholique et d'autres acteurs religieux se révèle important à la fois par son implication directe dans les négociations de paix formelles issues des accords de 1987 et par l'activisme de personnes inspirées par des idéaux religieux dans le mouvement pour la paix, qui ont travaillé à légitimer l'idée (au départ considérée comme "subversive") d'une paix négociée et - plus tard - à la mise en application des accords de paix signés en 1996. Le mouvement pour la paix bénéficiait d'un fort enracinement dans la société civile et de bonnes collaborations avec des groupes séculiers. Les réactions répressives du pouvoir face à l'Eglise ont contribué à souder celle-ci, malgré les divergences de vues en son sein. L'Eglise protestante historique a également joué un rôle important; quant aux communautés pentecôtistes et à la communauté juive, elles ont apporté une contribution, mais dont l'influence a été moindre (notamment en raison de différences d'orientation politique, les évangéliques et les juifs adoptant des positions plus conservatrices)..
L'article souligne également la contribution d'acteurs extérieurs au pays. La Fédération luthérienne mondiale organisa en 1989 la visite d'une délégation oecuménique luthéro-catholique, dont la visite contribua à débloquer les négociations. La dimension oecuménique - peu courante dans le contexte latino-américain - ne cessa de jouer un rôle par la suite. La FLM continua au fil des ans à être très active dans les coulisses: pour rendre possible des réunions (facilitating), pour maintenir des canaux de communication et également pour exercer une pression extérieure sur les acteurs nationaux. La dynamique oecuménique découlant de la participation de différents acteurs religieux au processus de paix a entraîné des transformations durables dans la vie religieuse guatémaltèque, estime l'auteur. (Résumé)
Référence: Bruce J. Calder, "The Role of the Catholic Church and Other Religious Institutions in the Guatemalan Peace Process, 1980-1996", Journal of Church and State, 43/4, automne 2001, pp. 773-797.
URL de la revue: http://jcs.oxfordjournals.org/
Nouveaux mouvements religieux: une analyse sur la situation dans les pays de l'Europe de l'Est
Bien que daté de décembre 2001, le dernier numéro de Religion, State & Society vient de paraître. Il contient un article de synthèse d'Ina Merdjanova, une chercheuse bulgare qui travaille sur le nationalisme, la religion et la société civile en Europe de l'Est. Cet article - qui recourt largement aux travaux de sociologues occidentaux - esquisse une analyse d'ensemble sur les nouveaux mouvements religieux face à l'Etat et aux Eglises chrétiennes traditionnelles dans les pays postcommunistes de l'Europe de l'Est.
Les nouveaux mouvements religieux (NMR) ne peuvent être analysés sans les replacer dans le contexte culturel et religieux des pays postcommunistes - qui représentent d'ailleurs un ensemble de pays non homogènes, à commencer par leurs héritages religieux respectifs. Mais la question de la religion et de la liberté religieuse dans des sociétés sorties du totalitarisme représente un terrain particulièrement important et symbolique, souligne l'auteur. Il importe de distinguer deux dimensions: l'aspect formel (cadre légal et institutionnel) et l'aspect informel (attitudes sociales et personnelles).
L'auteur se penche d'abord sur les problèmes qu'ont rencontrés plusieurs pays pour élaborer un cadre légal approprié après la fin du communisme. Partout, des mesures législatives ont été introduites pour s'adapter à de nouvelles réalités et essayer de respecter les conventions internationales. En général, les Eglises traditionnelles sont prises comme point de référence par rapport à des religions "étrangères" et/ou "nouvelles". Il faut se souvenir que ces pays ont tous recherché des symboles et mythes leur permettant de s'orienter dans un nouvel environnement. Cela soulève différentes questions sur le plan religieux: comment combiner l'affirmation du pluralisme et de la liberté religieuses avec cette recherche de définitions identitaires? et la simple reprise de principes occidentaux est-elle adaptée à un contexte différent? Il ne suffit pas d'adopter un cadre légal abstrait pour introduire la tolérance et une authentique liberté religieuse...
Les principaux problèmes qui se posent peuvent être résumés en quelques catégories:
- La tendance fréquente à vouloir favoriser les religions traditionnelles. les NMR sont alors perçus comme des intrus et les représentants d'intérêts étrangers (d'autant plus qu'il s'agit en général de groupes multinationaux).
- Les conditions d'enregistrement pour des organisations religieuses (tentatives d'introduire des conditions restrictives qui rendraient l'existence légale de certains groupes pratiquement impossible).
- La question de la définition de la religion (celle-ci peut être utilisée pour favoriser certains groupes au détriment d'autres).
- Les relations entre religions et Etat (avec des privilèges accordés aux religions traditionnelles).
L'auteur souligne que les persécutions subies pendant la période communiste et la nécessité de survivre dans ces années difficiles ont souvent créé dans les Eglises traditionnelles des pays postcommunistes une "mentalité de forteresse", ce qui se répercute également dans leur attitude à l'égard des NMR. Elles n'avaient également eu d'autre choix qu'une coopération plus ou moins étroite avec les régimes communistes: L'un des problèmes est la tentation de plusieurs organisations religieuses traditionnelles est de rechercher une alliance intime (et peu souhaitable) avec l'Etat au lieu de devenir partie prenante de la société civile émergente. Enfin, leurs enseignements sociaux peinent souvent à répondre aux besoins d'un nouveau contexte.
L'apparition de nouveaux acteurs religieux a donc suscité des réactions de crainte. Elles sont peu enclines à négocier, et moins encore à dialoguer, avec des acteurs nouveaux. En outre, des attitudes d'intolérance (qui sont en grande partie l'héritage du système communiste) persistent dans l'opinion publique des pays d'Europe de l'Est et se reflète dans les réactions hostiles envers les NMR. Ils sont perçus comme une menace pour la stabilité sociale et politique, et leur force supposée est souvent très surestimée.
L'auteur conclut que, malgré leurs insuffisances, les Eglises chrétiennes traditionnelles ont encore toutes leurs chances dans les pays de l'Europe de l'Est. Mais nombre d'entre elles doivent encore apprendre que la liberté religieuse s'applique à tous les groupes et que la compétition provenant d'autres mouvements religieux peut aussi constituer l'incitation à un renouveau à l'intérieur des Eglises pour répondre à ces défis. (Résumé)
Référence: Ina Merdjanova, "Religious Liberty, New Religious Movements and Traditional Christian Churches in Eastern Europe", in Religion, State & Society, 29/4, déc. 2001, pp. 265-304.
Site: http://www.tandfonline.com/toc/crss20/current.
Somalie: où sont passés les islamistes radicaux?
Dans un rapport du Congressional Research Service (CRS) sur le thème Africa and the War on Terrorism (17 janvier 2002). Ted Dagne rappelait les préoccupations du gouvernement américain par rapport à la Somalie dans le contexte de la "guerre contre le terrorisme": l'absence d'autorité centrale y est favorable à la diffusion de groupes radicaux. En septembre 2001, le gouvernement américain a placé le groupe somalien Al-Ittihad sur la liste des entités liées au terrorisme. Al-Ittihad a émergé à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Actif en Somalie et dans des régions de l'Ethiopie où résident des Somaliens, le groupe est accusé par les autorités américaines de liens avec Al-Qaida. Ce mouvement aurait cependant abandonné ses activités armées en Somalie même, indique le rapport du CRS, et s'y concentrerait sur des services sociaux et des écoles islamiques; en revanche, le groupe aurait toujours des activités militaires sur territoire éthiopien. Le rapport souligne également que, de l'avis de beaucoup de spécialistes, l'importance réelle d'Al-Ittihad - qui ne contrôle plus aucune partie du territoire somalien - aurait été fortement surestimée. La prudence s'impose donc par rapport à certaines informations sensationnelles qui circulent sur ce groupe, note l'analyste du CRS. Pour l'instant, les preuves de ses implications terroristes internationales manquent - même si ses activités armées en Ethiopie ne font pas de doute.
Plusieurs grands journaux américains ont publié ces derniers jours des articles sur l'islamisme en Somalie. Ted Dagne n'est pas le seul expert à estimer que Al-Ittihad n'est pas un bras d'Al Qaida, rapporte Karl Vick (Washington Post, 24 février 2002): plusieurs estiment que 10 à 12 Somaliens peut-être entretiennent des liens étroits avec Al Qaida - rien qui puisse justifier une opération de grande envergure contre la Somalie, option qui paraît d'ailleurs peu en vogue en ce moment (le Pentagone lui préfère des mesures de surveillance). L'article conclut également que les activistes d'Al-Ittihad se concentrent aujourd'hui sur les services sociaux et l'éducation, dans une société qui en a grand besoin.
Ces écoles religieuses suscitent cependant quelques soucis, si l'on en croit un article de Paul Salopek dans la Chicago Tribune (24 février 2002). Enseignant un islam plus strict à des jeunes dont les perspectives d'avenir sont maigres, dans une société marquée par la guerre, ne pourraient-elles devenir le réservoir futur de militants radicaux - même si elles ne peuvent être comparées aux établissement similaires montrés du doigt au Pakistan? Plus de 300 écoles coraniques (certaines animées par Al-Ittihad) auraient vu le jour en Somalie ces dix dernières années, selon un rapport des Nations Unies. "En contraste, ni le faible gouvernement de transition de la Somalie ni les associations d'aide occidentales n'ont ouvert une seule nouvelle école durant cette période." (JFM)
Curieusement, les rapports du Congressional Research Service ne sont pas accessibles sur son site. En revanche, on peut les trouver sur les sites de certains membres du Congrès ou d'organisations américaines.
"Doctrine du remplacement" et antijudaïsme
"Des chrétiens contre Israël": l'hebdomadaire conservateur britannique The Spectator (16 février 2002) en a fait la page de couverture d'un de ses numéros, avec une caricature représentant un vociférant ecclésiastique en soutane en train de brûler un drapeau israélien. Melanie Phillips s'y interroge: l'opposition de chrétiens à Israël serait-elle motivée par un antisémitisme ["antijudaïsme" paraîtrait ici plus exact] profondément enraciné dans la théologie chrétienne?
Au centre du débat se trouve la "théologie du remplacement", selon laquelle l'Eglise aurait succédé aux juifs dans les faveurs divines et hérité des promesses faites au peuple d'Israël. D'après l'auteur de l'article, cette doctrine se conjoindrait aujourd'hui à une hostilité à l'égard d'Israël, qui ne serait pas uniquement motivée par les récents développements politiques dans la région. Le chanoine Andrew White, représentant de l'Archevêque de Canterbury pour le Proche-Orient et actif dans la promotion du dialogue entre Israéliens et Palestiniens, déclare à l'hebdomadaire londonien que ces attitudes "vont au-delà d'une critique légitime d'Israël" et vont jusqu'à une haine des juifs.
La "théologie du remplacement" aurait été ravivée, selon l'analyse duSpectator, par les réflexions de théologiens chrétiens arabes, particulièrement écoutés dans le milieu des oeuvres humanitaires chrétiennes.
Au centre du débat évoqué par le Spectator (manifestement très critique à l'égard de la "théologie du remplacement") se trouve évidemment la question de savoir dans quelle mesure des prétentions contemporaines sur un territoire peuvent être justifiées par des arguments bibliques? A l'opposé des tenants de ce que Melanie Phillips considère comme un "antisémitisme chrétien", on trouve également des groupes de "chrétiens sionistes" qui apportent un soutien sans faille et inconditionnel à l'Etat d'Israël (le groupe le plus connu est l'Ambassade chrétienne internationale à Jérusalem, mais ces thèmes sont beaucoup plus répandus et souvent liés à des considérations prophétiques et millénaristes). C'est ainsi que, dans des directions opposées, des interprétations bibliques et des positions théologiques peuvent exercer des influences directes ou indirectes sur des développements politiques contemporains autour de zones de crise. Ce sont des thèmes sur lesquels Religioscope ne manquera pas de revenir. (JFM)
Pour en savoir plus... - Nous apprenons la récente parution du livre de Paul Charles Markley, Christian Attitudes Towards the State of Israel, McGill-Queens University Press, 2001, 266 p. Il faut savoir que l'auteur est lui-même d'orientation chrétienne sioniste, indique la recension parue dans le numéro de février 2002 de First Things - mais c'est en même temps un historien professionnel, dont l'ouvrage contient de riches informations, souligne l'auteur de la recension. Le livre se concentre essentiellement sur les attitudes du protestantisme américain, malgré son titre plus ambitieux.
Sur les chrétiens sionistes, signalons l'intéressant article récent de Sébastien Fath, "Question palestinienne et idéologie sioniste aux Etats-Unis: le rôle des protestants évangéliques", in EurOrient, N° 9, 2001, pp. 88-105.
Adresse: EurOrient, 89, avenue du Roule, 92200 Neuilly, France; tél.: 01 47 22 90 12.
Sur l'Ambassade chrétienne internationale à Jérusalem, une intéressante et informative étude de cas: Yaakov Ariel, "A Christian Fundamentalist Vision of the Middle East: Jan Willem van der Hoeven and the International Christian Embassy", in R. Scott Appleby, Spokesmen for the Despised: Fundamentalist Leaders of the Middle East, Chicago/Londres, University of Chicago Press, 1997, pp. 363-397.
Encyclopedia of Fundamentalism
Le terme de fondamentalisme est aujourd'hui utilisé dans des acceptions différentes d'un auteur à l'autre, Cette encyclopédie américaine récemment publiée considère le fondamentalisme comme un courant qui traverse les différentes traditions religieuses du globe et contient donc également des contributions sur le "fondamentalisme" dans des religions non chrétiennes. La plus grande partie des notices sont cependant consacrées au fondamentalisme chrétien et c'est pour cela avant tout qu'on le consultera - même si l'on peut s'interroger sur la pertinence de certaines notices: la présence d'une entrée "Armée du Salut", par exemple, laisse le lecteur quelque peu perplexe. Cela illustre sans doute la difficulté à déterminer les frontières du "fondamentalisme", et l'introduction de l'éditrice du volume laisse transparaître quelque incertitude sur la frontière à tracer entre fondamentalisme et évangélisme: "Les évangéliques coopèrent avec d'autres groupes chrétiens, tandis que les fondamentalistes ne le font pas", suggère-t-elle, avant d'introduire aussitôt une distinction à cet égard entre fondamentalistes classiques et fondamentalistes de générations plus récentes.
Très appréciables sont les notices sur des thèmes ou des groupes. On regrette en revanche qu'une approche régionale sur le fondamentalisme protestant ne soit proposée que pour l'Asie du Sud-Est et pas pour d'autrres régions du monde. Les sujets ont apparemment été choisis plus en fonction des collaborateurs disponibles que d'un plan systématique. (JFM)
Brenda E. Brasher (dir.), Encyclopedia of Fundamentalism, New York, Routledge, 2001, XVIII+558p.
Misunderstanding Cults
Sous ce titre quelque peu énigmatique, un gros volume pour tenter de fournir des points de vue contradictoires sur un débat qui agite depuis plusieurs années le petit monde des chercheurs sur les "sectes" et "nouveaux mouvements religieux". Ces chercheurs conservent-ils une distance suffisante par rapport à l'objet de leur étude ou se comportent-ils en alliés objectifs des mouvements qu'ils examinent? Peut-on parler de "lavage de cerveau" ou cette expression n'a-t-elle d'autre valeur que polémique? Des tenants de différentes approches s'expriment dans ces pages et apportent une contribution qui va au-delà d'un simple débat académique, à l'heure où des Etats s'interrogent sur l'attitude à adopter face aux "sectes". Chaque lecteur trouvera en tout cas dans ces essais de quoi réfléchir - ou s'irriter! Nous ignorons si cela permettra, comme les auteurs l'espèrent, de diminuer la "polarisation" qui affecte ce champ de recherche, mais c'est certainement une bonne idée d'avoir livré au public ces éléments du dossier, révélateurs de la vivacité du débat entre chercheurs. Ce débat soulève aussi des questions sur le rôle de l'"expert" dans le monde contemporain, comme le souligne Thomas Robbins. Et l'on ne se privera pas du plaisir de lire les savoureuses "confessions" de la chercheuse canadienne Susan Palmer sur ses multiples expériences de terrain dans les groupes les plus insolites et sur les enseignements qu'elle en tire par rapport à son rôle... (JFM)
Benjamin Zablocki et Thomas Robbins (dir.), Misunderstanding Cults: Searching for Objectivity in a Controversial Field, Toronto, University of Toronto Press, 2001, XIV+524p.
Modifié 03.07.2002