Les deux plus importantes organisations musulmanes de masse du pays entendent coordonner leurs efforts afin de redonner à l'islam l'image d'une religion pacifique et protectrice et d'éliminer les connotations de violence et de cruauté qui y sont souvent associées. Un récent sondage indique par ailleurs des transformations de la pratique de l'islam en Indonésie - dans un sens plus strict.
Dans une démarche commune, les deux principales organisations musulmanes de masse du pays cherchent à donner une meilleure image de l’islam. Selon le quotidien Kompas du 2 janvier 2002, les responsables de la Nahdlatul Ulama (NU) et de la Muhammadiyah,respectivement la première et la deuxième plus grandes organisations musulmanes d'une nation qui compte la plus importante population musulmane du monde, sont parvenus à un accord en ce sens.
Le président de la Muhammadiyah, Syafii Ma'arif, a déclaré que la majorité des musulmans d'Indonésie sont partisans d'un islam modéré et d'un "mouvement moral" qui restaurerait l'image d'une religion qui se veut pacifique. Parlant au nom de l'ensemble des musulmans d'Indonésie, Ma'arif a précisé que ces derniers "espèrent pouvoir montrer que l'islam reflété par les deux mouvements les plus importants de la communauté musulmane que sont la Muhammadiyah et la NU est un islam pacifique et protecteur".
Hasyim Muzadi, chef de la puissante NU, un mouvement de près de trente millions de fidèles, a de son côté déclaré que le mouvement moral consisterait, pour commencer, à diffuser l'esprit de fraternité des musulmans parmi les croyants et chercherait à proposer une perception commune des luttes de l'islam. "Dans un contexte unitaire, cela supposerait une campagne en faveur de l'harmonie interreligieuse qui serait suivie par un travail d 'harmonisation entre les groupes, les races et les organisations politiques", a-t-il précisé.
Selon Syafii Ma'arif, l'affaiblissement de l'Etat de droit et le désordre qui en découle sont les facteurs qui expliquent la montée de l'islamisme radical, certains groupes musulmans ayant commencé à faire la loi par eux-mêmes. "A long terme, cela .finira par tuer le mouvement islamique. L'image qui en sortira sera celle de la violence et de la cruauté", a-t-il dit. Pour éviter cela, les deux organisations entendent approcher les groupes islamistes radicaux afin de "synchroniser nos perceptions", a-t-il encore déclaré.
Depuis la chute du président Suharto en 1998 et la relative démocratisation de la vie politique qui a suivi, l'Indonésie a souvent fait parler d'elle, l'action de certains groupes islamistes attirant l'attention des médias internationaux. Outre le Laskar Jihad, actif aux Moluques et à Célèbes, certains mouvements fondamentalistes, après les attaques du II septembre aux Etats-Unis et la campagne militaire américaine en Afghanistan, avaient proposé de s'en prendre aux ressortissants américains présents en Indonésie ; d'autres avaient lancé des expéditions contre les boîtes de nuit à Djakarta et dans plusieurs villes du pays, les qualifiant de "lieux de débauche".
Selon une étude menée récemment dans la région de Djakarta auprès de musulmans et dont les résultats ont été publiés début janvier dans le magazine Tempo, la pratique de l'islam est en train de changer. L'islam abangan (une forme syncrétique de l'islam propre à Java et faisant appel à des éléments religieux issus de l'hindouisme, du bouddhisme et de l'animisme) régresse au profit d'une forme plus rigoureuse de la religion musulmane. Pour les femmes, par exemple, le port du voile est de plus en plus fréquent. Dans les grandes villes, de jeunes actifs, membres de la classe moyenne, s'inscrivent à des cours d'enseignement sur l'islam. 58 % des personnes sondées soutiendraient un gouvernement dont le Coran et les préceptes laissés par le prophète Muhammad seraient la base. Parallèlement, l'étude montre que les musulmans deviennent moins tolérants envers ceux qui pratiquent une autre religion. Ainsi, près de 73 % des sondés estiment que les membres des groupes minoritaires ne devraient pas avoir le droit d'enseigner dans les écoles publiques; 47% n'apprécient pas que le culte chrétien soit célébré dans leur voisinage et 42 % refuseraient qu'une nouvelle église soit bâtie près de chez eux. Saiful Mujani, chercheur au Centre de recherches sur l'islam et la société, organisme rattaché à l'Institut islamique d'Etat Syarif Hidayatulah (Djakarta), a commenté ce sentiment croissant d'intolérance envers les minorités religieuses en déclarant: "Les chrétiens et la communauté chinoise forment un groupe qui domine l'économie." (EDA)
Cette information a été publiée dans le N° 345 (16 janvier 2002) d'Eglises d'Asie, Agence d'Information des Missions Etrangères de Paris (128 rue du Bac, 75341 Paris Cedex 07).