Du 10 au 12 décembre 2001 s'est tenue à Pékin une réunion au cours de laquelle les sept membres du Bureau politique du Parti communiste ont discuté de la place des religions dans la société chinoise actuelle. "Le leadership du Parti sur la religion devrait être renforcé", a déclaré le Président Jiang Zemin. Il a ajouté que l'influence de la religion sur la vie politique et sociale du monde actuel ne devait pas être sous-estimée.
Les indications fournies par China Daily, qui rapporte ces propos, montrent que le souci du contrôle des religions reste plus que jamais à l'ordre du jour. Il est vrai que les dirigeants chinois ont depuis longtemps abouti à la conclusion que les facteurs religieux n'avaient pas été étrangers à l'effondrement du pouvoir communiste dans l'ex-monde soviétique et sont bien décidés à tout faire pour éviter le même sort. Les événements du 11 septembre 2001 et le rôle qu'ont pu y jouer certaines motivations religieuses ont encore renforcé cette méfiance.
Eglises d'Asie (Agence d'Information des Missions Etrangères de Paris) analyse également cette réunion dans son N° 344 (1er janvier 2002). Les organisations religieuses non enregistrées peuvent s'attendre à rencontrer de sérieuses difficultés, car elles sont soupçonnées de présenter des risques pour la "stabilité sociale". Rappelons que la Chine s'est engagée depuis quelque temps dans une active politique "anti-sectes" (dont Falun Gong est la cible la plus visible, mais pas la seule). Selon China Daily, le Premier Ministre Zhu Rongji s'est également exprimé lors de la réunion pékinoise en soulignant que "les sectes ne sont pas des religions" et que les efforts pour combattre les "religions illégales" et et prévenir l'émergence de nouvelles "religions illégales" devaient être renforcés.
Il y a cependant un élément nouveau, souligne Eglises d'Asie: alors que l'enregistrement devait jussqu'à maintenant obligatoirement passer par les "Associations patriotiques" (organisations religieuses mises en place par le pouvoir communiste et contrôlées par lui), il semble que cet enregistrement pourrait maintenant se faire directement auprès de l'administration – ce qui permettrait ainsi un meilleur contrôle de groupes religieux qui répugnaient à passer par les Associations patriotiques et préféraient la précarité d'une semi-clandestinité. Cet enregistrement séparé serait d'ailleurs déjà pratiqué dans certaines villes du pays. Cela pourrait offrir à des associations qui n'étaient pas déclarées jusqu'à maintenant une plus grande sécurité. En même temps, comme le remarque un article de David Murphy dans la Far Eastern Economic Review (27 déc. 2001-3 janvier 2002), cela risque bien d'augmenter les risques pour ceux qui voudront continuer à rester en dehors.
Les deux périodiques s'accordent pour souligner que l'un des plus grands changements pourrait affecter les Eglises protestantes en Chine: celles qui jouissaient d'un statut légal avaient été fondues dans une organisation unique. Les différents courants du protestantisme pourraient ainsi retrouver leur spécificité. Il est en revanche peu probable que cela ait des conséquences pour la partie de l'Eglise catholique qui reste unie à Rome et refuse l'intégration dans l'"Eglise patriotique" chinoise: Jiang Zemin a rappelé que les interférences étrangères dans le travail religieux de la Chine devaient être "absolument interdites" [1] . (JFM)
Adresse: Eglises d'Asie, 128 rue du Bac, 75007 Paris - Tél.: 01 44 39 10 40. Site: www.mepasie.org.
[1] A juste titre, Eglises d'Asie rappelle que "l'idée sous-jacente – et qui n'est pas propre aux communistes, mais qui est inspirée par certaines théories confucéennes – est que les religions sont tolérées du fait de leur utilité sociale. Ce qui n'est pas toléré est que les religions puissent se développer de manière autonome au sein de la société." De même, le la méfiance face à l'interférence étrangère a une tradition antérieure au communisme en Chine et dans d'autres pays d'Asie. On trouvera sur ces questions quelques intéressantes réflexions dans l'article de Don Baker, "World Religions and National States: Competing Claims in East Asia", in Susanne Hoeber Rudolph et James Piscatori (dir.), Transnational Religion and Fading States, Boulder (Colorado), Westview Press, 1997, pp. 144-172.