2008. Plus de cinquante ans après le début de l'évangélisation tzigane, lancée en France par Clément Le Cossec, les communautés manouches et Roms du monde se constituent en un mouvement mondial d'église, entendant faire valoir leurs droits en tant qu'hommes et en tant que chrétiens. De l'Europe à l'Argentine, ce courant de réveil spirituel connaît, actuellement, une ascension sans précédent. A la fin du mois d'août 2008, le rassemblement annuel des Tziganes évangéliques en France, organisé par la mission Vie et Lumière, a rassemblé près de 25.000 personnes. Les Eglises traditionnelles ont certes elles aussi des aumôneries pour les Tziganes et s'efforcent aujourd'hui de développer ici et là des efforts pastoraux vers ces populations, mais l'impact missionnaire des évangéliques au cours du demi-siècle écoulé a été fulgurant.
Comment tant de membres d'une minorité ethnique ont-ils choisi, pour s'émanciper, la voix d'une minorité religieuse? Paul Le Cossec, qui prolonge l'œuvre de son père, Clément, en Inde et Steevo Demeter, descendant du premier clan de prédicateurs roms de France, reviennent, par entretiens croisés, sur une page de l'histoire contemporaine du christianisme en Europe, qui contribue au débat sur les moyens de l'évangélisation face à la diversité culturelle et religieuse française. Précisons que la Mission évangélique tzigane de France est aujourd'hui membre de la Fédération protestante de France, avec 100.000 membres professants et 114 lieux de culte selon les données statistiques de la FPF.
Paul Le Cossec: «Clément, un destin hors-norme...»
Céline Schmink - Comment la vocation de pasteur «pour Tziganes» est-elle venue à votre père?
Paul Le Cossec - Voici ce qu'il s'est produit. Mon père était un petit Breton. Quand il se rendait au village, sa mère le mettait en garde:«Regarde ces termigis (Tziganes en breton) là-bas! Si tu n'es pas sage, ils vont te prendre!». C'était sa menace favorite. C'était une femme très gentille, mais qui adhérait à tout ce qu'elle entendait sur les Tziganes. Mon père avait donc peur d'eux et s'en tenait éloigné.
Le père de Clément était gardien de phare du côté d'Ouessant. Clément a eu une enfance très pauvre, miséreuse, mais il était intelligent, débrouillard et autodidacte. Tout jeune, il voulait entrer dans la marine marchande, mais il allait passer son diplôme pour devenir ingénieur des Ponts et Chaussées. C'était avant de devenir pasteur. Sa famille était catholique pratiquante, mais ne connaissait pas la Bible au sens évangélique du terme. Puis mon grand-père est tombé gravement malade du coeur et, grâce à l'aide d'un évangéliste anglais, il a été guéri, sur le champ. Ma grand-mère, malade du cœur, a aussi été guérie. Toute la famille est venue au Christ dans l'Eglise protestante et Clément avec. On lui avait «offert» la Bonne Nouvelle, il n'a plus qu'une seule chose à cœur: l'apporter à son tour aux pauvres.
Céline Schmink - S'est-il intéressé aux Tziganes dès le début de son ministère?
Paul Le Cossec - Non. Il a reçu l'appel pour le ministère dans les années 40-45 sur Lille où la famille avait déménagé. C'est alors qu'a eu lieu sa première rencontre avec les Tziganes. Un jeune gitan, qui n'avait comme possession qu'une guitare sans cordes, est venu lui demander de prier pour sa mère malade. La suite? Mon père le suit jusqu'à chez lui. Le jeune, qui était vraiment un tzigane typique, très brun à la peau basanée, lui donne un second rendez-vous le lendemain. Il l'emmène dans un camp, près d'une rivière. C'était l'hiver, la Moselle était gelée et le camp était un bourbier. Mon père fut touché par tant de misère. Il va alors évangéliser le camp, de caravane en caravane. Il a fait cela spontanément. C'était un homme qui faisait ce que son cœur lui dictait sans s'encombrer de préjugés. Peu à peu, il a appris à connaître les rites tziganes et s'est mis à les aimer, et plus, à préférer ce peuple marginalisé à l'extrême, à tous les autres.
Mais un jour, ces Tziganes qu'il avait appris à connaître sont repartis. Il trouve le camp déserté. Pourtant, il ne les oublie pas. En 1946, il revient en Bretagne et dès lors, il cherche à les revoir. Il en rencontrera d'autres. En 1952, il est pasteur sur Brest et les Tziganes viennent lui implorer le baptême par immersion. Comme ils ne sont pas mariés à la mairie, l'Eglise le leur refuse. Ils menacent de se baptiser eux-mêmes. Clément veut éviter cette situation. Il les invite à une réunion de prière et là ils reçoivent le baptême du St Esprit et se mettent à parler en d'autres langues comme au temps des apôtres. Bientôt, il a une prophétie qui annonce de grandes vagues inondant tout un peuple. Il pense tout d'abord aux Bretons, mais réalise des années plus tard que ces vagues sont celles du Réveil tzigane et qu'elles symbolisent le baptême par immersion en mer. Il pratiquera les premiers baptêmes tziganes sur la plage du Midi, à Brest.
Après son mariage, mon père se partage entre Lille, Brest et Rennes. Il possède plusieurs églises sous son autorité. De plus en plus de Tziganes se rendent à l'église et assistent à des cultes protestants. Il a suscité un véritable effet boule de neige parmi la communauté. Tous les Tziganes de Bretagne et du Nord veulent être évangélisés, apprendre à lire et à écrire. Face à l'immensité de la tâche qu'il lui incombe (il a à peine 25 ans), il demande qu'on lui envoie un missionnaire, mais sans réponse positive. En 1958, année de ma naissance, nous sommes huit enfants à la maison. C'est l'époque où Clément va entrer en relation avec les Tziganes d'Espagne. Les guérisons s'y font plus nombreuses qu'ailleurs. Effet boule de neige, là aussi. La vague du Réveil gagne les pays de l'Est et atteint la communauté rom qui se convertit en masse.
Clément s'organise. Il se fait journaliste et lance ses propres revues destinées à faire connaître le monde tzigane. Elles sont très simples et expliquent la foi chrétienne de manière basique. Elles ont un énorme succès dans les caravanes. «L'étoile du matin», sa revue principale deviendra «Lumière du monde» puis «Vie et Lumière» qui donnera d'ailleurs son nom à la plus grande église tzigane qui organise le grand rassemblement de 30.000 Tziganes, chaque année dans le Nord de la France.
En Espagne il ya plus de 200.000 tziganes convertis, en France plus de 100.000 et en Inde plus de 35.000. Mon père avait à cœur d'aller chercher les Tziganes là où ils se trouvaient. A l'époque il y avait 10 millions de Tziganes dans le monde. Maintenant ils sont plus de 60 millions! Il faut savoir que le terme «tzigane» englobe les différentes tribus nomades: roms, manouches, retsanos, yéniches, sintis, lambadis, narikuras etc.
Céline Schmink - Comment Clément communiquait-il avec les Tziganes? N'y avait-il pas une trop grande différence culturelle entre eux et lui?
Paul Le Cossec - Non. Il avait un grand point commun avec eux: la pauvreté. Il savait, comme eux, vivre de rien. D'autre part, il aimait leurs traditions. Les Roms ont leurs coutumes. Les femmes portent de grandes robes colorées, les enfants sont rois... C'est un monde très différent culturellement parlant. Clément était curieux de la culture des autres. Il cultivait ce rapport. C'est pour cela que son travail parmi eux s'est propagé aussi vite. Le processus de développement de cette relation est facile à comprendre: les Roms bougent et ont de la famille dans tous les pays. Ce sont de gigantesques réseaux, des interconnexions à l'international, des ramifications qui n'en finissent plus.
Au début Clément s'est heurté à un problème: il ne parlait pas romanes, la langue tzigane internationale. Il a essayé de l'apprendre. Je conserve chez moi ses petits cahiers jaunis griffonnés de mots en romanès. Comme il ne la maîtrisait pas il a fini par se faire accompagner partout par des roms instruits. Rappelons que la Bible en romanès est récente puisqu'elle date des années 1970.
Céline Schmink - Quels moyens a-t-il mis en place pour former ces prédicateurs issus du monde tzigane?
Paul Le Cossec - Il a fondé le premier centre biblique missionnaire tzigane dans le Loiret, une formation de prédicateurs. Il n'y avait alors rien en France pour instruire les gitans. Tout ce qui a été mis en place, c'est lui. Il a été aidé par des amis sédentaires et des comités se sont établis partout. C'était une phase de conquête où tout restait à faire. Ensuite il a lancé une caravane pour la formation biblique itinérante, sur les routes de France, d'Espagne et des pays limitrophes. Dans les pays de l'Est, il a fait plus discret et plus pratique en utilisant des voitures missionnaires, car là-bas les Roms sont sédentaires. Roumanie, Pologne, Tchécoslovaquie, on est rapidement passé de 50000 à 100000 convertis. Mais il n'y a toujours pas de structure unie dans ces pays. Ils regorgent de mouvements tziganes chrétiens différents et ne dépendent pas obligatoirement de missions protestantes. En France, Clément a créé une structure soutenant toutes les autres: la «Mission Evangélique Tzigane de France».
Céline Schmink - Vous-même, vous sentez-vous «gadjo» (non tzigane) ou tzigane?
Paul Le Cossec - Les petits enfants de Clément sont tziganes puisqu'une de ses petites filles a épousé un tzigane. Quant à moi, j'ai tellement côtoyé de Tziganes que lorsque j'étais enfant on m'assimilait à l'un des leurs. Ce n'était pas chose aisée pour moi. J'étais tout petit. Je ne comprenais pas le racisme qu'ils subissaient. On me traitait de «sale tzigane» moi qui étais breton! J'en ai tiré de grandes leçons. Aujourd'hui j'ai conservé le «parlé tzigane». J'aime la liberté et le voyage comme eux, mais je suis chrétien avant tout !
Céline Schmink - Comment votre père a-t-il été amené à rencontrer des Roms?
Paul Le Cossec - Au départ il fréquentait les manouches de Bretagne. A Paris où il se déplaçait souvent, il y avait beaucoup de Roms. Il a fait la connaissance de Sebo Demeter, le patriarche de la famille Demeter. La première famille rom sédentarisée de France! Les Demeter ont de la famille dans les pays de l'Est. Mon père a décidé de les suivre et de partir à l'Est pour recruter des traducteurs parmi la communauté rom. Il les a formés à la Bible et à la prédication. Ce sont eux qui, encadrés par les membres de la mission, ont fait passer l'évangile dans le monde rom. C'était l'époque du rideau de fer, les voyages entrepris par mon père étaient risqués. Mais il persévéré sur la question rom. Pour lui, c'était un défi. Il est parti aux USA avec eux et aujourd'hui il y a plusieurs églises roms établies. Plusieurs familles roms de France sont restées plusieurs années aux USA pour fonder cette œuvre. Ensemble, ils ont fréquenté la fameuse église de Times Square, celle de l'évangéliste David Wilkerson. Ils sont allés à la meilleure école en quelque sorte.
Loulou Demeter, Sebo Demeter et mon père ont parcouru les USA et accumulé des informations sur le monde rom, ses implantations, ses ramifications et surtout, ils ont mis sur pied une pédagogie entièrement dédiée au monde rom. Ils sont revenus en France puis rapidement sont repartis à l'Est. Les prédicateurs de la mission ont commencé à visiter les Roms qui vivaient en roulottes et en maison. A l'Est on force les Roms à se sédentariser. Certains d'eux mettent cette «escale longue durée» forcée à profit et étudient. Les autres vivent de ce qu'ils connaissent le mieux: l'artisanat et la musique. En Espagne ils sont nombreux à faire carrière dans le flamenco.
Les ROMS sont aujourd'hui 500000 en Grèce, 1 million aux USA. A l'heure actuelle, il n'y a plus de prédominance de l'Eglise «Vie et Lumière» pour les Roms qui dans leur majorité en sont séparés, mais les Roms chrétiens travaillent sur une grande action de rassemblement au sein d'une structure chrétienne mondiale et unique. Ils ont besoin de retrouver une structure dynamique, optimiste et par le même coup leurs racines roms tout en évoluant dans le monde moderne. Ils recherchent un accord mondial et sont pour une transparence totale de leurs actions.
Céline Schmink - Votre père avait été élevé au rang d'apôtre par la communauté tzigane. C'est un titre honorifique?
Paul Le Cossec - Non. Il n'a jamais revendiqué aucun titre d'ailleurs. Il se considérait, avant tout, comme un serviteur de Dieu. Un apôtre est celui qui fonde des communautés, des œuvres comme l'apôtre Paul. Mon père en a fait de même en établissant et formant et fondant par son ministère plusieurs communautés et missions. Il a enseigné ce qu'il savait. Ce qui comptait pour lui c'était le travail effectué lors de sa vie ici bas. A sa mort, il a dit: «J'ai fait ce que j'ai pu». Nous sommes tellement portés par l'espoir de la Bonne Nouvelle dans la famille que sa mort n'a été pour nous qu'un au revoir. Sa mémoire est vivace et sa présence est ressentie par de nombreuses personnes qui s'intéressent à son travail. C'était un homme simple, modeste. Les titres n'étaient pas pour lui, ni la grande théologie, bien qu'il fut très formé à cela. Il avait suivi l'enseignement des ADD (Assemblées de Dieu), grand mouvement protestant évangélique à tendance pentecôtiste. Il avait une ouverture d'esprit incroyable. Il a travaillé avec toutes les obédiences. Il a été le premier à organiser des voyages protestants évangéliques sur Israël. Il a aidé l'un de ses amis à y fonder la première église évangélique. Il avait un amour véritable pour ce peuple juif qui représentait pour lui le peuple de la Bible. Le peuple élu.
Céline Schmink - Votre père écrivait énormément. Est-ce qu'il consignait tout ce qu'il lui arrivait durant son ministère?
Paul Le Cossec - Oui. Il avait à cœur de tout conserver. Il écrivait sous l'inspiration du Saint-Esprit et envoyait chacun de ses écrits à des théologiens connus, pour vérification. Il publiait ensuite avec les moyens du bord. Plusieurs centaines de milliers de ses petits fascicules bibliques ont été distribués dans et en dehors du monde tzigane. Les gens l'épaulaient spontanément dans toutes ses actions, mais il n'avait même pas de secrétaire. Je me sens privilégié d'avoir eu un tel père. J'ai lu tout ce qu'il a écrit et j'ai fait, grâce à lui et à son œuvre, des rencontres exceptionnellement humaines.
Steevo Demeter: « Des Roms touchés par Clément Le Cossec»
Céline Schmink - Comment se compose le peuple tzigane?
Steevo Demeter - Il faut distinguer 4 grands groupes: les roms, les manouches, les gitans, les yéniches. «Tzigane» est le terme qui désigne l'ensemble de ces ethnies. A tort, on utilise communément le terme «gitans» pour parler des Tziganes. Les Tziganes vivant sur le sol français sont français avec des spécificités particulières selon les ethnies. Les Roms sont d'origine slave. On les retrouve de la Tchécoslovaquie à l'Allemagne mais aussi dans les pays hispanisants et au Maghreb. Le premier président du Brésil est gitan, la mère d'Anthony Queen était gitane... Le romanès est une langue internationale.
Céline Schmink - Comment le peuple rom est-il devenu chrétien?
Steevo Demeter - En 1960, Clément Le Cossec vint à Paris. Une mission se fonde à Noisy-Le-Sec, au 64 rue Anatole France. Le nom de l'église tzigane «Vie et Lumière» vient du nom de l'un des périodiques pour Tziganes que publiait Clément. Comme les Tziganes ne parlaient pas français, Clément se faisait accompagner de manouches. Un jour, deux des nôtres, des Roms donc, sont touchés par le travail de Clément lors d'une convention. Ces deux Roms étaient mon oncle et mon père: Loulou et Robert Demeter (président des églises roms). 63 personnes ont alors été baptisées par Clément, à Fontenay-sous-Bois. C'était le début de l'évangélisation parmi les Roms. Ensuite vint pour Clément le moment de nommer des prédicateurs responsables. Il les a choisis parmi la famille Demeter car nous sommes des sédentaires. Nous savons lire et écrire comme beaucoup de kaldérach (Tziganes «faiseurs de marmites»). Il a formé des membres de la famille qui sont devenus pasteurs. Entre 1963 et 1966 il doit y avoir 1000 Roms baptisés et convertis dans la région parisienne. Ces Roms ont voyagé dans 163 pays différents et y ont répandu la Bonne Nouvelle.
Céline Schmink - Y-a-t-il d'autres raisons qui ont poussé Clément le Cossec à choisir le clan Demeter?
Steevo Demeter - Oui. Ici, à Neuilly-Plaisance où nous sommes installés depuis 1902, nous sommes connus pour être des gens de loi. Nous respections les coutumes et les traditions morales tziganes. Nous sommes une famille paisible et nous avons une réelle «capacité» dans le monde tzigane. Je me nomme le «petit Steevo» mais avant moi il y a eu le «grand Steevo» mon cousin. Il était connu pour être un homme de paix.
Céline Schmink - Votre famille est-elle allée aux USA?
Steevo Demeter - Oui. Les Demeter ont apporté l'Evangile là-bas, parmi la communauté rom. Là-bas aussi le clan Demeter est connu pour son pacifisme. Par la suite il y a eu d'autres familles de prédicateurs qui sont parties à travers le monde pour fonder des églises roms. Certains de nos convertis se sont installés en Italie. Notre famille entretient des relations à l'international. Partout où les Roms vont ils fondent des églises, même si localement il n'y a aucun fonds le permettant. Pour moi, qui suis pasteur, je peux dire que ces églises se fondent sous l'impulsion du Saint-Esprit. Depuis le début de l'évangélisation rom par Clément Le Cossec nous avons fondé 300 églises.
Céline Schmink - Pouvez-vous nous parler de votre église, l'église rom de Paris?
Steevo Demeter - Elle se situe en fait à Noisy Le Sec. C'était la maison de Loulou Demeter. Son père lui avait légué cette grande bâtisse. En 1975, j'avais 15 ans. Nous sommes tous musiciens dans la famille. Le jazz manouche, les rythmes tziganes ça nous connaît! Je ne vous cache pas qu'au début je me suis rendu à l'église pour la musique uniquement! Clément nous y enseignait l'Evangile mais aussi la louange A l'heure actuelle, mes louanges tziganes chrétiennes se chantent dans le monde entier. Il n'y a pas une église tzigane où l'on ne chante pas le dimanche au culte l'un de mes chants! Clément nous a enseigné un mode de vie à suivre.
Céline Schmink - Comment êtes-vous devenu vous-même pasteur?
Steevo Demeter - Comme j'étais intelligent et doué pour la musique, Clément m'a remarqué. Il m'a envoyé dans son école biblique pour Tziganes, dans le Loiret. J'y suis allé deux fois deux mois. L'école était orchestrée par lui-même. Comme je savais lire et écrire, il m'a pris sous son aile et m'a engagé comme journaliste pour son magazine «Vie et Lumière». J'allais dans les camps pour voir comment progressait la Bonne Nouvelle. Puis le mouvement rom chrétien a explosé. En quelques années le nombre de convertis a doublé puis triplé. J'ai rejoint le Comité Mondial Rom comme secrétaire international. Le monde rom est un véritable défi pour l'évangélisation. Nous unissons nos forces et chacun a son domaine de prédilection. Personnellement je gère l'évangélisation des jeunes, uniquement les moins de 20 ans. Ils font tout comme les adultes: baptême, catéchisme, culte... Nous sommes maintenant en France 7.000 Roms chrétiens baptisés. Nous sommes tous évangéliques à tendance pentecôtiste.
Céline Schmink - Vous adhérez donc aux Assemblées de Dieu?
Steevo Demeter - Oui. Nous sommes une mission qui évangélise jusqu'en Inde. Nous adhérons aux Assemblées de Dieu puisque Clément faisait partie de ses membres fondateurs. Notre église est charismatique. Nous bénéficions de notre propre école, la BRIS (Biblical Romani International School). C'est une école biblique où l'on ne parle que romanes. Nous avons également une école à Gien, mais la BRIS, elle, est itinérante. Je me bats au Conseil de l'Europe pour obtenir un bâtiment pour héberger la structure.
Céline Schmink - L'histoire des Tziganes est-elle si mystérieuse qu'on le dit?
Steevo Demeter - Elle l'est. De plus, il y a différentes tribus ce qui ne facilite pas l'enquête sur nos origines. Les manouches ont eux-mêmes 7 tribus (comme les tribus d'Israël!). les yéniches en ont 3, les gitans eux sont soit catalans soit espagnols.
Pour les Roms, il y a les kalderaches, les lovaris et les chouraras. Finalement nous sommes célèbres grâce à Victor Hugo et à Esmeralda, notre représentante internationale!
Céline Schmink - Pouvez-vous nous parler de la relation homme-femme chez les Roms?
Steevo Demeter - Tout comme chez les juifs, la relation est marquée par le sentiment de pureté, même si cela tend à disparaître chez les jeunes. Tout comme chez les juifs tout ne se fait pas autour du couple, mais autour de la communauté. Puis nous avons encore des notions communes au peuple juif: l'entraide, l'hospitalité, les coutumes vestimentaires les jeunes filles non mariées portent des robes bariolées, etc.)
Céline Schmink - Comment la mission tzigane se régénère-t-elle d'année en année?
Steevo Demeter - Par notre travail d'évangélisation, mais aussi grâce à l'investissement de mouvements comme celui des Gédéons qui distribuent une bible par minute. Nous avons de nouveaux moyens à notre disposition comme HolyGod TV, la télévision évangélique pour les églises ethniques. J'ai une émission. Grâce à cette télé, je suis entendu dans 110 pays, un bel impact pour les Roms chrétiens.
Propos recueillis par Céline Schmink - © 2008 Céline Schmink
Adresse de la Mission Evangélique Tzigane de France (METF): Les petites brosses – 45500 Nevoy – tél.: 02 40 38 38 42.
Adresses des églises locales: www.eglises.org/types/metf/