En 2002, Religioscope avait eu l’occasion d’évoquer les travaux du CESNUR et de Massimo Introvigne sur la religion en Italie ainsi que l’encyclopédie qui avait alors été publiée à ce sujet. Mais voici que paraît un nouveau volume, plus riche que le précédent, tout en reprenant une bonne partie de son contenu.
Divisée en parties rassemblant chaque «famille religieuse» (judaïsme, catholiques, orthodoxes et autres Eglises d’Orient, protestantismes historiques, divers courants protestants, religions d’origine orientale, etc. - 38 parties au total!), le volume offre un panorama très clair, tant par sa structure que par sa présentation bien lisible, en deux colonnes par page.
Les religions sont entendues ici au sens large, et la question de la définition de la religion occupe d’ailleurs deux pages de l’introduction; le volume inclut également des notices sur un grand nombre de groupes occultistes et ésotériques ainsi que sur d’autres associations aux frontières des religions proprement dites, comme on peut le voir en consultant la table des matières sur le site du CESNUR. Un index très détaillé permet en outre au lecteur de retrouver son chemin s’il s’égare dans ce foisonnement.
Alors que l’Italie évoque encore pour beaucoup d’étrangers une sorte de monolithe catholique, nous découvrons que la variété du paysage religieux italien n’a rien à envier à celle des autres pays européens. Même si ces centaines de communautés aux effectifs additionnés restent très minoritaires par rapport à la force du catholicisme (dont les marges, notamment groupes autour de visionnaires variés, ne sont pas négligées dans l’ouvrage), leur simple présence indique une transformation et le développement d’un «marché du religieux».
Le livre intéressera toute personne qui veut connaître la situation religieuse en Italie, mais il rendra même des services à des personnes lisant l’italien sans vivre en Italie, car il fournit également des informations sur l’histoire et les croyances de centaines de mouvements religieux. Chaque notice est accompagnée – quand cela est possible – de références bibliographiques. L’adresse et le site Internet des groupes présentés sont également inclus. Grâce à ce volume, nous disposons pour l’Italie d’un panorama aussi exhaustif que possible, et dont peu de pays européens possèdent l’équivalent en un seul livre. Et les spécialistes de la variété religieuse dans l’Europe contemporaine feront assurément leurs délices de la lecture d’une encyclopédie dans laquelle ils découvriront même des groupes dont ils n’ont jamais entendu parler ou la persistance, dans telle région italienne, de telle petit communauté religieuse qu’ils croyaient éteinte!
Religioscope - En 2001, le CESNUR avait publié une «Enciclopedia delle religioni in Italia», immédiatement reconnu comme un ouvrage de référence. Sous le titre laconique «Le religioni in Italia» paraît maintenant une nouvelle édition, nettement plus volumineuse encore, de cet ouvrage. Pour quelle raison publier cette seconde édition? Des changements importants ont-ils eu lieu, ou quels sont les nouveaux développements qui justifient la mise à jour de cette entreprise?
CESNUR - Le principe de la mise à jour est évidemment incontournable pour un ouvrage qui donne aussi les adresses (y compris électroniques) et numéros de téléphone: ils changent souvent. Nous offrons aussi des statistiques, qui changent également, notamment (mais pas seulement) en matière d'immigration.
Mais il est aussi vrai qu'il y a eu plusieurs nouveautés. De nouveaux groupes étrangers ont débarqué en Italie. Et, comme il arrive toujours, il y a eu des schismes: par exemple, la branche italienne de l'Église de l'Évangile Quadrangulaire (Foursquare Gospel), une des dénominations pentecôtistes plus anciennes et connues, s'est divisée en deux, avec une partie importante des membres qui ont suivi un pasteur italien qui a coupé ses liens avec l'Église internationale...
Religioscope - Sur le plan statistique, quels sont les changements enregistrés? En cinq ans, période relativement courte, peut-on observer des évolutions significatives?
CESNUR - Très significatives pour les religions dont les chiffres doivent beaucoup à l'immigration. Les musulmans sont passés de 580.000 à 850.000.
Vous lisez ailleurs des chiffres plus élevées mais qui font confiance aux dossiers annuels publiés par l’association Caritas, qui considèrent que le même pourcentage de musulmans présent dans un pays d'après les statistiques du gouvernement peut être appliqué aux émigrés dudit pays en Italie. La Caritas même admet que ses estimations sont sujettes à caution, du fait que certains gouvernement sous-estiment la présence de non-musulmans pour des raisons politiques, et que les non-musulmans sont souvent surreprésentés dans l'émigration. Enfin, il y a des immigrés qui n'ont plus aucune pratique religieuse: nous l'avons constaté notamment avec les immigrés de l'Albanie, qui indiquent souvent leur "religion" sur la base de leur nom (certains noms de famille révèlent immédiatement une origine musulmane) mais qui n'ont aucune pratique, ni d'ailleurs aucune connaissance, de cette "religion".
Il est également intéressant de noter que, alors que les média cherchent dans notre encyclopédie surtout des statistiques sur l'islam, et cela pour des raisons faciles à comprendre, ils négligent la progression des immigrés de religion chrétienne orthodoxe, qui est aussi spectaculaire: en cinq ans, ils sont passés de 140.000 à 420.000 (un demi million si l'on applique la règle Caritas, mais qui présente les mêmes problèmes pour recenser les orthodoxes que pour les musulmans).
Ces chiffres pourraient rapidement augmenter dès 2007, si le nouveau gouvernement de centre-gauche parvient à faire passer, comme il le promet, des lois plus ouvertes aux nouveaux immigrants que celles mises en place par le gouvernement de centre-droite entre 2001 et avril 2006.
Quant aux citoyens italiens, sous réserve de modifications gouvernementales qui pourraient accorder la citoyenneté italienne avec plus de facilité aux immigrants, le changement, s'il y en a un, est très lent. Le phénomène le plus intéressant est celui de la Soka Gakkai qui, en cinq ans, a presque doublé ses membres, de 21.000 à 40.000, mais il s'agit de chiffres encore modestes dans un pays de 58 million de citoyens.
Religioscope - L’introduction fait remarquer que le déclin des religions traditionnelles en Occident a parfois été surévalué et reprend l’expression de Robin Gill, «le mythe de l’Eglise vide» (titre de son livre de 1993, «The Myth of the Empty Church»). Sur la base de vos observations continues du paysage religieux italien, pouvez-vous vraiment affirmer que la pratique religieuse catholique augmente en Italie? Si tel est le cas, à quoi attribuez-vous cette évolution?
CESNUR - Il s'agit là d'une question très controversée. De quelle pratique parlons-nous? Si nous considérons comme importante la pratique religieuse "au moins une fois par mois", cette pratique augmente d'après les enquêtes mêmes de ces sociologues qui sont partis avec l'intention de nier ce phénomène (voir l'article en anglais "Religious Competition and Revival in Italy: Exploring European Exceptionalism", par Massimo Introvigne et Rodney Stark paru dans la revue en ligne Interdisciplinary Journal of Research on Religion: des enquêtes successives vont dans la même direction). En revanche, les résultats sont moins certains si l’on se limite à la pratique «une fois par semaine».
En plus, on parle beaucoup dans les colloques italiens de sociologie des religions d’over-reporting («sur-reportage»). Une enquête menée dans l’Archidiocèse de Venise en comptant tous les participants aux messes du dimanche (partout, bien entendu, et non pas seulement dans les paroisses: il y aussi les sanctuaires, des mouvements et des écoles catholiques qui ont leur propre messe du dimanche, etc., ce qui rendait plutôt lacunaires des enquêtes précédentes menées seulement chez les paroisses) montrerait que plus d’un tiers de ceux qui déclarent aller à la messe n’y vont pas en réalité.
Ce sont des enquêtes qui peuvent être menées, mais qui demandent des moyens très importants. Nous ne connaissons que la Pologne, où l’Église catholique a un «dimanche des statistiques» lors duquel tous les participants aux messes sont comptés, parallèlement à des enquêtes par questionnaire confiées a une société spécialisée, et cela depuis plusieurs années. Les enquêtes polonaises montrent un affaiblissement du pourcentage déclaré au pourcentage compté pour la pratique hebdomadaire de quinze à dix-huit points à peu près chaque année, par exemple en 1999 de 65% à 47% (mais même la pratique «comptée» demeure très haute en Pologne par rapport à la moyenne européenne).
En Italie nous n’avons pas des décomptes de la pratique effective au niveau national qui nous permettraient de dire si les données de Venise sont typiques. Mais surtout nous n’avons pas des données chronologiques, comme celles dont on dispose en Pologne. De ces données, il ressort que l’over-reporting reste assez constant dans le temps. Si cela était vrai en Italie aussi, l’augmentation de la pratique «une fois par mois» déclarée, même après la mise au net de l’over-reporting, devrait correspondre à une augmentation de la pratique réelle.
Il faut aussi considérer les commentaires de certains sociologues d’après lesquels les «mensonges» des interviewées, lorsqu’ils déclarent aux enquêteurs qu’ils vont à la messe, manifestent quand même un souhait d’appartenance (surtout aujourd’hui, alors que la mode est au «retour du catholicisme» dans la culture et aux « athées dévots », comme on les appelle en Italie, qui déclarent demeurer des incroyants mais partager les enseignements de l’Église, notamment sur des matières comme la critique du relativisme, l’avortement et l’homosexualité – un phénomène typiquement italien et qui a une influence très réelle dans le monde intellectuel et politique).
Ce qui nous semble sans doute vrai pour les musulmans, qui ont moins de lieux de culte ce qui rend plus facile de compter les présences effectives. Dans le Piémont, par exemple, hors du mois de ramadan, moins de la moitié de ceux qui déclarent se rendre dans un lieu de culte à une fréquence hebdomadaire y vont réellement. Il faut donc considérer leurs déclarations plutôt comme une manifestation d’appartenance, tout en tenant compte aussi du fait que, pour la plupart des écoles juridiques musulmanes, se rendre à la mosquée (ou autre lieu de culte) toutes les semaines n’est pas obligatoire, et que pour beaucoup des musulmans qui vivent en Italie, il est évidemment difficile de se rendre en mosquée... s’il n’y a pas de mosquée dans la localité où ils habitent. En tout cas on ne peut absolument pas, comme le font certains journalistes gagnés d’avance à l’hypothèse de la «laïcisation» des musulmans qui viennent en Italie, mesurer l’appartenance à l’Islam à la fréquentation des lieux de cultes. D’autres indicateurs, tels que le jeûne et la prière, nous semblent plus importants.
Religioscope - 1,92% des citoyens italiens appartiennent à des communautés religieuses autres que l’Eglise catholique. Si l’on inclut les résidents étrangers (notamment musulmans), nous arrivons à 4,4% de membres de minorités religieuses. Vous attendez-vous à une augmentation notable de la diversification du paysage religieux italien dans les années à venir? Outre la montée de l’islam (pour l’instant surtout par immigration), quelles sont vos prévisions pour les développements majeurs des vingt prochaines années?
CESNUR - Il est toujours difficile de prévoir, surtout pour vingt ans, mais en principe nous ne nous attendons pas à voir des nouveautés majeures.
Pour l'immigration, beaucoup dépend des lois, mais avec l'entrée de la Roumanie dans l'Union européenne, les Roumains vont en même temps disparaître des statistiques sur l'immigration (qui, en principe, ne comptent que les extracommunautaires) - où ils sont à présent à la première place - et, quand les restrictions tomberont, augmenter considérablement leur présence. Dans cinq ou dix ans - et même si nous avons aussi une importante communauté de Roumains catholiques – nous ne serions donc pas étonnés de voir en Italie un million d’orthodoxes.
Il pourrait alors y avoir de deux à trois millions de musulmans, même si une augmentation trop rapide conduirait peut-être les électeurs à ramener et à maintenir au gouvernement des partis qui prônent une politique plus restrictive en matière d’immigration.
Contrairement à d’autres, nous pensons que les Témoins de Jéhovah et les pentecôtistes n’ont pas atteint leur maximum de croissance possible, d’autant plus qu’ils ont trouvé un terrain de mission assez fécond chez les immigrés. Mais la position majoritaire du catholicisme ne d
evrait pas être mise en discussion.
Religioscope - Pendant longtemps, la pastorale des Eglises chrétiennes en Europe s’était surtout préparée au défi de l’incroyance. L’Italie enregistre-t-elle, comme d’autres pays, une montée des gens «sans religion», ou en tout cas sans appartenance?
CESNUR - Oui, mais non pas aux dépens de ceux qui se disent catholiques et même pratiquants plus ou moins réguliers, mais des athées déclarés et des agnostiques. Leur nombre (et voilà un point sur lequel la plupart de sociologues sont bien d’accord) ne cesse pas de baisser, nonobstant les livres de quelques philosophes que, en Italie comme en France, font une apologie passionnée de l’athéisme, laquelle ne semble cependant pas convaincre beaucoup de monde. Le nouveau Pape a bien vu que le défi en Italie ne vient pas tellement des «sectes» (ni de l’athéisme), mais du phénomène qu’il appelle self-made religion, où il y a autant de religions privés que des personnes qui se veulent religieuses, mais qui ont perdu tout contact avec les institutions.
Religioscope - Les protestants «historiques» (vaudois, luthériens, etc.) ne représentent que quelque 15% du protestantisme italien aujourd’hui: quand on considère le nombre de pages consacrées à l’infinie variété des groupes issues du protestantisme, on mesure les transformations que connaît celui-ci, peut-être d’ailleurs plus encore dans des pays où il était déjà minoritaire. Et le pentecôtisme se taille ici la part du lion.
CESNUR - C'est ce que l'establishment du protestantisme historique a toujours admis, peut-être à la différence des autres pays. L’élection récente du professeur (et ancien député du PDS, l’ancien Parti communiste) Domenico Maselli à la présidence de la Fédération des Églises Évangéliques Italiennes, qui regroupe les expressions du protestantisme historique, tient compte de cette réalité. M. Maselli a été pasteur des Frères de Plymouth (Frères «larges») avant de rejoindre l’Église vaudoise, ce qui ne l’empêche pas de garder d’excellentes relations avec les Frères. Il est connu pour ses batailles de défense de la liberté religieuse, y compris celle des nouveaux mouvements religieux, et son action a été très efficace pour éloigner une bonne partie de la gauche italienne (dont il fait partie) de toute idée de la nécessité d’une législation anti-sectes pour l’Italie. Son programme comprend l’ouverture de la Fédération (minoritaire) au pentecôtisme (majoritaire) et aux Frères (dont la présence est plus importante en Italie que dans tout autre pays de l’Europe continentale).
Religioscope - Parmi les citoyens italiens (sans inclure les résidents de nationalité étrangère), les Témoins de Jéhovah (400.000) dépassent les protestants (363.000). Peut-on dire aujourd’hui que les Témoins de Jéhovah, souvent perçus comme l’archétype de la «secte» chrétienne, sont en voie de devenir en Italie une «Eglise établie»? Sont-ils aujourd’hui acceptés dans la société italienne, ou le groupe suscite-t-il des controverses?
CESNUR - Il y a sans doute une grande différence entre l'Italie et la France. Les grands médias et le monde politique considèrent avec des rares exceptions les Témoins comme partie intégrante du paysage religieux italien. En 2000, le Président du Conseil (PDS, actuel Ministre des Affaires Etrangères), Massimo D'Alema, avait signé une intesa, c'est-à-dire un concordat (même si la Constitution en Italie réserve le nom de Concordat, avec un C majuscule, au traité de l'État avec l'Église catholique) avec les Témoins, ce qui les aurait transformés en «Église établie». Mais, après le changement de majorité en 2001, le Parlement n’a jamais réussi à mettre à son calendrier la ratification de ce concordat...
L'opposition aux Témoins de Jéhovah est resté un fonds de commerce pour des mouvements «contre les sectes» catholiques, qui sans cela n'auraient pas beaucoup d'audience (même si les errements de Mgr Milingo - l'ex-archevêque catholique de la Zambie, très populaire en Italie, qui a été marié aux Etats-Unis par le révérend Moon à une Coréenne -, et les noces de Tom Cruise, célébrées près de Rome par un ministre de l'Église de Scientologie, ont relancé des polémiques contre ces mouvements).
Maisil faut dire qu’aucun des concordats signés ou approuvés par la commission qui s'en occupe (y compris celui avec l'Union Bouddhiste Italienne, signé par le même M. D'Alema, et ceux avec les orthodoxes grecs, l'Union Hindouiste et les mormons, approuvés entre autres par la commission) n'a été ratifié après le 11 septembre 2001. Le CESNUR a beaucoup travaillé avec la commission parlementaire qui s'occupe de liberté religieuse, et nous avons bien compris que le blocage des concordats vient de la peur panique d'avoir à se prononcer ensuite sur les différentes demandes de concordat qui viennent des associations musulmanes, ce qui impliquerait une enquête sur la nature, les idées et le caractère plus ou moins représentatif desdites associations, qu'aucun gouvernement ni parti n'est pas vraiment pressé de faire. Car il faudrait constater que des associations derrière lesquelles il y a des États qui sont des partenaires économiques et politiques importants de l'Italie n'ont pas beaucoup de membres, alors que les associations plus représentatives sont dirigées par des fondamentalistes, avec lesquels personne ne veut vraiment signer des concordats.
Religioscope - Les spiritualités orientales ont-elles en Italie le vent en poupe? L’attrait de différentes formes de l’hindouisme et du bouddhisme se renforce-t-il, ou d’autres modes prennent-elles leur place?
CESNUR - Certes, le phénomène Soka Gakkai est important en Italie. Loin d'être perçue comme une «secte» (sauf que par une poignée d'ancien membres et par les associations anti-sectes, qui reprennent ce qu'ils entendent de leurs homologues étrangers mais n'ont pas de véritable influence en Italie), la Soka Gakkai est un phénomène à la mode, grâce au soutien de convertis qui sont des champions du football ou des acteurs. Elle a aussi en Italie des traits (et des problèmes) qu'elle n'a pas dans les autres pays européens. Nous voulons dire que la non-séparation (obutsu myogo) entre religion et politique et la descente active dans l'arène politique est perçue par la Soka Gakkai en France ou en Grande-Bretagne comme quelque chose qui concerne le Japon. Alors qu'en Italie son succès médiatique (et son nombre d'adhérents important) a convaincu plusieurs dirigeants de Soka Gakkai qu'ils ont le droit, s
inon le devoir, de participer à la vie politique, où leur engagement pour le pacifisme les amène à se situer... à gauche de la droite. L'actrice comique Sabina Guzzanti, connue par sa satire féroce de l'ancien Président du Conseil de centre-droite M. Berlusconi (dans le parti duquel son père, qui est catholique, est pourtant sénateur) et dont un film s'intitule Viva Zapatero, fait partie de la Soka Gakkai. La présence active de candidats et organisateurs de campagnes électorales de Soka Gakkai dans le PDS lors des dernières élections a provoqué une dissidence qui (sans quitter pour l'instant le mouvement et sans utiliser le jargon anti-sectes) a ouvert un site Internet pour critiquer les dirigeants et se demander si, pour être bouddhiste de la mouvance Nichiren en Italie, il est maintenant obligatoire de voter pour la gauche. Non, ont immédiatement répondu d’autres groupes Nichiren tels que Nichiren Shu, qui essaient de s'implanter en Italie et de récupérer ceux qui voudraient quitter la Soka Gakkai pour des raisons politiques (pour l'instant, avec un faible succès).
Toutefois, le phénomène Soka Gakkai semble plutôt l'exception que la règle. Après le 11 septembre, l'Italie connaît aussi un repli identitaire, qui donne moins de chances à tout ce qui se présente comme "non occidental".
Religioscope - Dans la variété du paysage religieux italien, quelle est la part jouée par l’importante diaspora italienne dans différentes régions du monde, entre autres en Amérique du Nord: provoque-t-elle en partie des phénomènes d’exportation vers le pays d’origine de croyances rencontrées par des émigrants à l’étranger? La diaspora joue-t-elle dans certains cas un rôle de tête de pont pour la diffusion de nouvelles croyances en Italie même?
CESNUR - Sans doute, et à une échelle internationale. L'une des clefs pour comprendre l'internationalisation du pentecôtisme est la conversion d'immigrés italiens aux Etats-Unis. Non seulement ils ont ramené le pentecôtisme en Italie, mais ils sont à l'origine du succès du pentecôtisme en Argentine et au Brésil, qui est parti des importantes communautés Italiennes implantées dans ces pays.
S'il s'agit bien d'un phénomène massif pour tout le monde protestant non historique, les indices sont moins probants pour les nouveaux mouvements religieux. Nous connaissons des membres du Mouvement de l'Unification et de la Famille (nouveau nom des Enfants de Dieu) italo-américains qui ont rencontré ces mouvements aux Etats-Unis et sont rentrés en Italie, mais il semble s'agir là de cas individuels, qui en plus ne sont pas à l'origine de l'implantation de ces mouvements en Italie. En revanche, dans nos études sur le pentecôtisme en Sicile, nous avons trouvé presque toujours un immigrant revenu des Etats-Unis à l'origine de chaque communauté importante.
Religioscope - Y a-t-il aujourd’hui en Italie des groupes religieux rassemblant surtout des immigrants et d’autres rassemblant surtout des Italiens de souche, ou observez-vous des cas de groupes dans lesquels immigrants en Italie et citoyens italiens se mêlent véritablement?
CESNUR - Il y a sans doute des groupes où italiens et immigrés se mêlent, mais cela dépend des stratégies du groupe lui-même, qui doit choisir entre la création de communautés ethniques et la dispersion des immigrés entre les communautés qui existent déjà. C'est d'ailleurs un problème que connaît aussi l'Eglise catholique: faut-il créer des paroisses roumaines ou disperser les catholiques immigrés de Roumanie dans les paroisses qui existent? Il n'y a pas de solution unique. Les Assemblées de Dieu pentecôtistes (qui, elles, ont bien signé un concordat, heureusement pour eux avant le 11 septembre...) et les Témoins de Jéhovah ont créé avec beaucoup de succès de communautés ethniques: mais ils y mêlent maintenant des Italiens dans un souci d'intégration. Le Foursquare Gospel et autres groupes pentecôtistes ont préféré intégrer les immigrés dans des communautés italophones qui existaient déjà. En revanche, il y a des Eglises ethniques venues d'Afrique et des Philippines, qui ont beaucoup de mal à convertir des Italiens, même si elles le souhaiteraient. On rencontre quelques convertis Italiens dans des Eglises chinoises (par exemple, dans l'Eglise Locale de Witness Lee) mais il s'agit encore d'une petite minorité.
Religioscope - Le contenu intégral de l’encyclopédie nouvellement parue semble être en ligne sur le site du CESNUR, agrémenté en outre de photographies qui ne figurent pas dans l’édition imprimée. Cela signifie-t-il que les futures éditions ne seront plus publiées sur papier, mais uniquement sur le web? L’encyclopédie en ligne fera-t-elle l’objet de mises à jour régulières?
CESNUR - Le Web est sans doute nécessaire pour mettre à jour les adresses, les références Internet et la bibliographie sans attendre cinq ans. La mise à jour est assez régulière, même si nous prenons le temps nécessaire pour vérifier des informations que, dans les cas des schismes, sont souvent au début confuses et contradictoires. Cela dit, nous avons trouvé un pourcentage surprenant de personnes, y compris chez les universitaires et les journalistes, qui disent préférer avoir sur leur table un ouvrage imprimé que consulter le Web. Nous espérons donc pouvoir publier une nouvelle édition imprimée dans cinq ans. Cela suppose, bien entendu, qu'un éditeur soit convaincu qu'il y a un marché pour l'ouvrage.
Massimo Introvigne et PierLuigi Zoccatelli (dir.), Le religioni in Italia, Leumann (Torino), Editrice Elledici, 2006, 1148 p.