Nous voudrions apporter notre contribution au débat sur l’Islam et l’éducation islamique en Azerbaïdjan en mettant en perspective nos enquêtes de terrain effectuées dans plusieurs régions du pays, notamment à Bakou et sa région, Sheki, Lenkoran, Masalli, Quba, Gence et dans quelques villes de la république autonome du Nakhtchivan (voir carte ci-jointe).
L’Islam n’est certes pas encore un enjeu politique majeur en Azerbaïdjan, dans le sens où il n’y a pas encore de force politique qui propose un projet de société d’inspiration islamique pour le substituer au système politique actuel. En revanche, l’éducation au sens global du terme, ses réformes et la place que l’Islam peut y occuper sont un sujet de plus en plus débattu depuis quelques années. La question de l’éducation islamique trouve sa place dans le débat général sur l’attitude à adopter face aux courants missionnaires qui déferlent sur l'Azerbaïdjan depuis son indépendance. Nombreux sont en Azerbaïdjan ceux qui pensent que l’introduction dans le système éducatif du pays d’une éducation islamique contrôlée et gérée par l’Etat est le seul moyen de limiter les «méfaits des courants missionnaires dans tout le pays»[1].
Une remarque s’impose avant d’entrer dans le vif du sujet. Par éducation islamique, nous entendons tout ce qui a trait à l’enseignement, à la transmission d’un message, d’un savoir et de manière générale d’une culture islamique, par des agents publics ou privés. Durant toutes nos enquêtes de terrain, nous avons eu à l’esprit cette définition très large, très maximaliste de l’éducation islamique. Dans le cas de l’Azerbaïdjan, il faut aussi préciser que nous avons mené nos enquêtes aussi bien dans les milieux chiites que sunnites, voire même baha’i, s’il est permis de considérer cette foi comme relevant de l’Islam.
1) Quelques rappels généraux sur l’Islam en Azerbaïdjan
L’Islam est présent dans l’actuel Azerbaïdjan depuis les premiers temps de la conquête arabe puisque dès 639 les troupes musulmanes, sous la conduite de Hudayfa Ibn al Yamdu, tentent de s’emparer d’une partie du Caucase. En 652, les troupes arabes sont déjà à Derbent (dans l’actuel Daghestan). Entre 639 et 693, les armées musulmanes alternent entre occupation militaire du Caucase et recul vers les régions plus proches du centre de l’Empire. Durant toute la période de conquête, une des forces qui montre le plus de résistance à l’avancée arabe est celle des Khazars, un puissant royaume judéo-turc. Au lendemain de la chute des Omeyyades et au fur et à mesure que se met en place le pouvoir abbasside, le contrôle arabe sur la région s’affaiblit. Les disputes territoriales entre Khazars et Arabes se poursuivent: Derbent devient assez rapidement une sorte de frontière entre les deux empires. L’Islam, dans son long processus de domination de la région, se heurte aussi à l’hostilité des Etats chrétiens de l’époque, la Géorgie et l’Arménie[2].
La turkification de la région favorise davantage son islamisation. En 1054, le Turc seljoukide Tughrul Bek contrôle tous les gouverneurs du Caucase du Sud. En 1071, c’est toute la région caucasienne qui entre sous contrôle turc. Cependant, même si l’islamisation de la région est un fait avec les nouveaux maîtres du Caucase, ces derniers ne convertissent pas tous les habitants à l’Islam. Au 13ème siècle, l’invasion de la région par les Mongols donne d’ailleurs un coup d’arrêt à son islamisation. Elle reprendra de plus belle avec la conquête de la région par les Séfévides, qui, dès 1502, contrôlent déjà tous les territoires qui constituent l’actuel Azerbaïdjan.
Entre cette période et la fin du 17ème siècle, la région est le théâtre d’affrontement entre sunnisme et chiisme. Le premier est représenté par les Ottomans (et leurs vassaux criméens), le second par le pouvoir des Shahs d’Iran, dont l’un des plus illustres, Shah Abbas, expulse pour une longue durée les forces ottomanes lors de la bataille de Tebriz en 1605[3]. Le repli des Ottomans signifie un recul du sunnisme au profit du chiisme[4]. Cependant, dès cette période, la partie septentrionale de l’actuel Azerbaïdjan est nettement moins chiite que le Sud, plus proche de l’Iran et passé plus tôt sous la coupe des Shahs d’Iran.
L’effacement des forces ottomanes dans la région ouvre le terrain à une nouvelle puissance militaire, la Russie, qui dès le milieu du 18ème siècle devient le principal adversaire de l’Iran dans la région. En 1828, par le traité de Turkmentchay, l’Araxe devient la frontière définitive entre les deux puissances. A partir de cette date, jusqu’à la révolution bolchevique, le pouvoir politique qui prédomine en Azerbaïdjan est russe. Comme dans toutes les régions fraîchement conquises par la Russie, la domination est au départ très douce, dans le sens où le pouvoir colonial ne se mêle pas des affaires intérieures et qu’il a rarement recours aux conversions[5]. Au sein des élites azéries, certains demandent des liens particuliers avec le colonisateur pour mieux avoir accès à la culture européenne. Peu à peu émerge cependant un mouvement de contestation de la domination russe mais ce mouvement est nettement plus national et nationaliste que proprement religieux: il s’inscrit dans le cadre du réformisme national et musulman qui touche l’ensemble des populations turco-musulmanes de l’Empire russe[6]. Une des idées forces du mouvement national azéri du début du siècle, véhiculée par des intellectuels comme Agaoglu, Huseyinzade, Hacibeyli ou Topchibachi, est l’anticléricalisme. Aucun des partis politiques influents de cette époque pré-soviétique ne s’appuie sur une idéologie islamiste. Parmi les principales forces politiques de l’époque, le Parti Hummet est de tendance gauche, tandis que le Musavat (Egalité) est composite, à la fois socialiste et panturquiste.
Avec la chute de l’Empire des Tsars et l’émergence sur ses décombres de l’Union soviétique dont l’Azerbaïdjan fait partie, on constate une certaine bienveillance du pouvoir vis-à-vis de l’Islam. Cette bienveillance, intéressée toutefois, se lit dans les propos de Zinoviev, représentant du Kominterm à l’époque, qui, lors d’un discours prononcé à Bakou en 1920, parle d’une ghazavat[7] contre les forces impérialistes. En 1923, les leaders chiites déclarent que la Russie soviétique a sauvé les musulmans de Turquie, d’Afghanistan et d’Iran de l’impérialisme britannique[8].
En août 1923, Emelian Yaroslavsky (futur président de l’Union des Sans-Dieu) conseille la prudence avec l’Islam. Cette prudence et cette bienveillance durent jusqu’en 1924, probablement le temps que le régime étale son pouvoir sur l’ensemble des sociétés qu’il contrôle. Peu à peu, l’attitude change et la prudence laisse la place à des attaques contre certaines pratiques islamiques puis contre l’Islam en général. La première bourrasque a lieu en 1924, à propos de l’ashura, la cérémonie d’auto-flagellation pratiquée par les Chiites chaque année en signe de commémoration du martyre de l’Imam Hussein à Kerbela. Cependant, il faut bien rappeler que les intellectuels azéris avaient déjà commencé, bien avant les caciques du régime soviétique, à critiquer cette pratique jugée rétrograde et obscurantiste, notamment par les caricaturistes du journal satirique Mulla Nasreddin.
En 1925, un nouveau pas est franchi dans la confrontation avec l’Islam avec la création par le régime d’une cellule à Bakou de l’Union des Sans-Dieu. Dans la même année, les biens des fondations religieuses sont confisqués. Dans les années qui suivent, les attaques contre l’Islam s’intensifient avec, notamment, la création d’un musée anti-religieux et l’accroissement des moyens de l’Union des Sans Dieu, qui en 1932 compte plus de 70 000 membres.
En dépit de toutes les attaques dont il fit l’objet, l’Islam en Azerbaïdjan a toujours été doté d’une structure officielle, reconnue et organisée par le pouvoir en place. La Direction des Affaires Spirituelles (DAS), basée au sein de la vieille mosquée centrale, Täze Pir, héritée de la période tsariste mais complètement restructurée par le régime soviétique avait pour but de limiter le poids de l’Islam dans société et de cantonner les activités religieuses dans des cercles bien su
rveillés par les autorités. Comme dans toute l’Union soviétique, la Seconde Guerre mondiale et le besoin d’une «union sacrée» face à l’invasion allemande, apportent un ralentissement des campagnes antireligieuses. Les décennies d’après guerre marquent le retour de l’anticléricalisme dans toute l’Union, mais la DAS demeure un organisme actif. Une dizaine d’années avant l’indépendance, la direction se dote même d’un département des relations internationales pour gérer des rapports directs avec certains Etats musulmans. Chargée d’administrer l’Islam, la DAS exerce son autorité sur tous les musulmans du Caucase (Chiites et Sunnites) et tous les Chiites de l’URSS (Caucase, Russie et Asie centrale, où il existe de très faibles minorités chiites). En 1970 elle exerçait son contrôle sur 16 mosquées officielles enregistrées (14 chiites et 2 sunnites). De même, quelques mosquées d’Arménie et de Géorgie étaient sous son autorité[9].
L’existence de la DAS n’est cependant que l’un des aspects de l’Islam dans l’Union soviétique en général et en Azerbaïdjan en particulier. A côté de cet Islam officiel, il existe ce que les chercheurs ont appelé Islam parallèle, pour souligner son caractère alternatif par rapport à l’Islam soutenu par l’Etat. Très souvent, les lieux de pèlerinage et les visites sur les tombeaux de certaines personnalités saintes constituent les pôles de cet Islam qui existe à la marge de la religion soutenue par l’Etat[10]. Davantage que dans les traditions sunnites, le phénomène de pèlerinage est fondamental dans les traditions chiites. Un exemple concret de cet Islam parallèle en Azerbaïdjan est le pèlerinage sur la tombe de Rähime Hanm, fille du 7ème Imam (Musa Kazim), enterrée dans la petite ville de Nardaran, dans la région de Bakou. De même, toujours dans la région de Bakou, la tombe de Bibi Heybet est un autre exemple d’espace sacré qui a permis le maintien d’une pratique religieuse. Des lieux de piété de ce genre – ils sont fort nombreux en Azerbaïdjan – ont permis, estiment les chercheurs sur l’Islam caucasien, de perdurer et de faire face à la campagne antireligieuse de l’Etat[11].
2) L’Islam en Azerbaïdjan depuis 1991
Comme dans l’ensemble de l’Union soviétique, la fin du régime soviétique et son remplacement par des idéologies nationales est synonyme en Azerbaïdjan de retour des débats identitaires, notamment pour la construction du nouvel Etat. Tant dans les débats sur la nature de l’Etat que sur le nouveau citoyen à former, la référence à l’Islam n’est pas totalement absente. Si au niveau de l’Etat la question religieuse concerne la place à assigner à l’Islam dans les nouvelles institutions et dans la vie sociale, au niveau des individus on s’interroge sur la nouvelle façon de se définir dans la vie de tous les jours[12]. Sans exagérer la place de l’Islam dans ce débat, on peut aisément soutenir qu’il a eu une importance non négligeable dans les premières années de l’indépendance.
Au niveau étatique, même si la Constitution de la nouvelle république est très claire quant à la nature laïque du de l’Etat[13], on observe quelques gestes symboliques «officiels» allant dans le sens de la réhabilitation de la religion voire dans l’octroi d’un rôle à la morale islamique dans la construction du nouvel Etat. On reviendra sur ces symboles, mais remarquons d’emblée que l’importance accordée aux relations avec les Etats musulmans, le pèlerinage effectué par le président Aliev à la Mecque et le fait qu’il ait prêté serment sur le Coran en arrivant au pouvoir doivent être considérés comme de véritables gestes qui confirment la rupture avec l’ancienne politique anticléricale de l’Etat soviétique. Pour ce qui est du rapport direct entre religion et individus, une étude récente nous montre que, dès l’indépendance, apparaît un relatif renouveau de la pratique religieuse, ou du moins un vif intérêt pour les questions religieuses[14].
Le renouveau des lieux de pèlerinage constitue l’autre aspect du relatif renouveau religieux dans le pays. Mais la remise au goût du jour de ces lieux de religiosité populaire doit être interprétée avec quelques précautions. D’abord, ces espaces sacrés ont toujours représenté une certaine importance pour la population locale. Mais surtout, il convient de rappeler que ce renouveau n’est pas toujours synonyme d’une résurgence religieuse. Dans certains cas, il peut être synonyme d’un renouveau identitaire, pas exclusivement islamique. Des sites religieux comme la tombe de Rahime Hänim ou Mir Movsum[15] sont des exemples de ce renouveau des lieux de pèlerinages populaires. Une autre remarque s’impose à cet égard. Dans certains cas, ce renouveau est directement encouragé et récupéré par l’Etat dont les objectifs consistent surtout à canaliser le renouveau religieux et de le concilier avec la nouvelle idéologie nationale. Le but n’est pas de favoriser l’Islam mais de mettre ce dernier sous la coupe de l’Etat, méfiant vis-à-vis de toute manifestation religieuse.
3) La question éducative et l’Islam depuis 1991
Pour au moins deux raisons, le Caucase, voire toute l’ex URSS, devient le paradis des mouvements missionnaires au début des années 1990. La première est que, fermées pendant des décennies, les nouvelles républiques ouvrent enfin leurs frontières, permettant ainsi l’arrivée de courants de pensée (religieuse, mais pas exclusivement). La deuxième, et sans doute la plus importante à noter dans notre cas, est le relatif vide spirituel qui caractérisait toute l’ex-URSS au lendemain des indépendances. A part la foi communiste et la certitude en la victoire définitive du socialisme à l’échelon planétaire, aucune autre foi n’était encouragée par le pouvoir en place. Les religions étaient déconsidérées, la pratique était l’œuvre d’une minorité vivant souvent dans la campagne reculée. De ce fait, quand les missionnaires – musulmans, chrétiens et autres – arrivent dans le pays au début de la décennie 1990, ils ont le sentiment de se retrouver dans une terre vierge, un paradis pour la mise en application de leur mission. Peu à peu, conscients de l’importance de la question religieuse et missionnaire, les Etats se sont dotés d’infrastructures adéquates pour faire face à la nouvelle situation[16]. La question de l’éducation religieuse fut celle où l’Etat s’est montré le plus interventionniste.
Pendant toute la période soviétique, il n’y avait aucun établissement de formation des cadres religieux en Azerbaïdjan. Tous les fonctionnaires religieux étaient formés dans la république soviétique d’Ouzbékistan, à la madrasa Mir-i Arab de Boukhara ou dans celle de Tachkent, Al Boukhari. D’ailleurs, des entretiens avec des cadres religieux de ces républiques permettent de voir qu’ils se connaissent tous, ayant été formés dans le même contexte, à la même époque. L’éclatement de l’URSS et la fabrication de nouvelles nations toutes plus jalouses les unes des autres ont rendu nécessaire pour chaque république de prendre en charge la formation de ses propres cadres religieux. Cette formation, si elle peut se faire avec l’étranger (pays arabes, Turquie et Iran), doit respecter des critères nationaux imposés par le pouvoir en place.
La formation des nouveaux cadres religieux est indissociablement liée à la question éducative et à la place de la religion dans les établissements éducatifs. Quelques années après l’acquisition de l’indépendance, une fois constatée la forte présence des mouvements missionnaires et les conversions de milliers d’Azéris à des religions «étrangères» [17], des voix se sont exprimées à travers le pays pour que l’Etat accepte l’entrée de la religion, de l’Islam en fait, dans les écoles. Le débat a surtout concerné les écoles secondaires, car le cycle universitaire avait déjà son enseignement islamique, crée dès l’indépendance pour remplacer les établissements soviétiques situés en Ouzbékistan.
Non seulement au niveau associatif, mais au sein même de l’Etat, certains réclamaient l’entrée optionnelle de la religion dans les écoles moyennes. Leurs arguments sont nombreux, mais on peut les résumer en deux points. Un argument souvent invoqué est que la religion peut aider le nouvel Etat à se construire. La crise d’identité que traverse le pays depuis son indépendance peut être en partie résorbée à l’aide de l’enseignement religieux. Cet enseignement serait selon eux plus national que religieux, il concilierait l’Etat avec ses citoyens. Le second argument est apparu plus récemment, quand le pays a assisté à l’effervescence des mouvements missionnaires, surtout chrétiens, que certains n’ont pas hésité à qualifier d’invasion spirituelle[18]. Cet argument est le suivant: la démission de l’Etat dans la sphère religieuse a laissé la voie libre à tous les mouvements missionnaires, souvent les plus radicaux. En d’autres termes, estiment certains, le seul moyen de limiter les activités néfastes des missionnaires sur le sol national est de permettre les cours religieux dans les écoles, sous un contrôle strict de l’Etat.
Les responsables politiques et administratifs de l’Etat apparaissent eux-mêmes désemparés face à cette question: l’Etat se veut résolument laïque et ne veut pas rompre cette laïcité en introduisant des cours religieux dans les écoles. Mais, en même temps, la défense du caractère laïc de cet Etat requiert, estiment certains fonctionnaires, une intervention sans laquelle les missionnaires peuvent former des citoyens hostiles à la laïcité[19]. Les responsables rencontrés durant les entretiens se montrent eux-mêmes très partagés. Certains sont pour l’enseignement de l’Islam dans les écoles de l’Etat d’autre sont contre. Une ONG bien connue dans le pays, Dini Arasdirmalari Merkezi, dirigée par l’énergique Elchin Askerov, a obtenu des autorités le droit de donner des cours, à titre expérimental, dans quelques écoles de Bakou et de sa région. Un manuel d’introduction générale à l’Islam a été conçu spécialement pour les écoles secondaires[20]. Le but de l’ONG était d’introduire les cours religieux dans l’ensemble des écoles du pays. Mais, en printemps 2004, le projet était toujours à l’état embryonnaire.
La plus haute autorité religieuse du pays est la DAS (Direction des Affaires Spirituelles), récemment restructurée pour les besoins d’un pays indépendant. Sa principale fonction n’est cependant pas de fournir à la population une éducation et un enseignement religieux, même si elle n’est pas totalement absente dans ce domaine. Elle a surtout pour mission d’informer la population sur les grands événements religieux de l’année, de nommer les imam (sunnites) et axund (chiites) des mosquées du pays. Composé de 30 membres, son conseil triennal, Shura, est l’occasion de nommer ou de conduire les responsables religieux dans leur fonction. Très surveillée par l’Etat, elle n’est cependant que l’un des outils dont dispose le pouvoir pour contrôler l’Islam. En juin 2001, un décret présidentiel a doté l’Etat d’un nouvel organisme de contrôle, dirigé par des personnalités plus «laïques» que religieuses, dans le but de mieux surveiller l’évolution de l’Islam. Cet organisme, le Comité d’Etat pour le travail avec les organisations religieuses (Dini Qurumlarla Is Uzre Dövlet Komitesi), s’apparente à une sorte de direction des affaires spirituelles conçue sur le modèle turc, la Di
yanet[21]. Le DAS et le Comité sont donc les principaux gestionnaires de l’Islam en Azerbaïdjan. Nommés par le pouvoir politique en place, leurs responsables orientent l’Islam officiel en fonction de l’intérêt national et des objectifs du pouvoir. L’influence de ces organismes s’exerce aussi sur l’enseignement religieux, un pouvoir qui est partagé avec le ministère de l’enseignement supérieur, Ali Tahsil Nazirliyi.
Le premier établissement à caractère religieux de l’Azerbaïdjan a été inauguré en 1989, d’abord en tant qu’institut, devenu faculté, puis une véritable université en 1994. Avec ses 250 étudiants à Bakou, l’université a aussi des filiales à Zakatala (100 étudiants), Sumgait (100 étudiants), Mingeçevir (100 étudiants) et Lenkaran (12 étudiants). L’université compte 10 % de filles, l’admission a lieu après la 11ème classe (vers 16 ou 17 ans). Durant les cinq ans que dure la scolarité, les étudiants apprennent des matières qui en fin de cursus doivent les aider à trouver un emploi en tant que religieux fonctionnarisé ou dans un secteur plus «profane» grâce notamment aux langues et civilisations orientales étudiées[22]. A ce jour 565 étudiants ont été diplômés de cette université, tous occupent des fonctions diverses mais cantonnées dans le domaine religieux (comme molla, axund, imams, enseignants ou fonctionnaires)[23]. Le concours d’entrée n’est pas très sélectif car les études théologiques ne sont pas aussi prisées que d’autres filières comme l’économie, les langues européennes ou la diplomatie. Les étudiants sont tout de même sélectionnés en fonction des résultats qu’ils obtiennent au concours général, qui comprend des tests en histoire, géographie, logique et culture générale. Les frais de scolarité sont de 500 dollars par an, somme considérable pour de nombreuses familles qui parviennent tout de même à trouver des solutions pour n’en payer qu’une partie. Les enseignants de l’université sont tous des citoyens azerbaïdjanais, la plupart ont été formés dans le pays, par des professeurs formés en Ouzbékistan pendant l’ère soviétique ou par des formateurs venus de l’étranger durant les premières années de l’indépendance. Une partie du corps enseignant a été partiellement formée à l’étranger, en Turquie, dans le monde arabe ou en Iran selon les cas.
La faculté de théologie a été créée par la Diyanet Vakf, fondation turque semi-privée, rattachée à la direction des Affaires religieuse subordonnée au Premier ministre[24]. Elle a pour modèle de fonctionnement la faculté de théologie de l’université de Marmara. Les 200 étudiants qu’elle compte suivent des cours en turc-azéri et en russe dans certaines sections. Le programme est classique dans le sens où les matières théologiques habituelles sont enseignées: tefsir, tejvid, lecture coranique, histoire de l’islam et histoire des religions, etc. Le but de l’université n’est pas seulement de former des cadres religieux mais aussi – et de plus en plus c’est l’objectif privilégié – de donner aux étudiants une formation générale teintée d’études orientales afin de leur permettre de trouver du travail à leur sortie de la faculté[25]. Pur produit de la politique religieuse officielle de la Turquie dans le Caucase, cette faculté est sunnite dans ses grandes orientations générales, même si, du dire de ses responsables, la politique éducative ne néglige pas le chiisme. Ce qui fait la grande force de cette faculté est le fait qu’elle soit dirigée Vassif Memmedeliev qui, par sa grande érudition fait l’unanimité dans le pays[26].
4) La part des organismes privés dans cette éducation islamique
La plupart des courants islamiques qui diffusent un enseignement religieux en Azerbaïdjan sont originaires de Turquie. Actuellement, ils sont au nombre de trois, sans tenir compte des petites organisations[27] qui sont venues au lendemain de l’indépendance et sont reparties immédiatement après, constatant les difficultés d’implantation dans un pays profondément marqué par son héritage communiste.
Les disciples de Sait Nursi[28] sont parmi les premiers missionnaires étrangers à avoir déployé leurs activités religieuses en Azerbaïdjan. Il existe une abondante et solide littérature sur le courant nurcu en Turquie et dans le monde. Contentons-nous pour notre part de nous limiter à leurs activités en Azerbaïdjan. Avant même la fin de l’Union soviétique, grâce à l’établissement de liens entre la Turquie et l’Azerbaïdjan soviétique, des nurcu sont arrivés dans différentes villes azéries pour déployer leurs activités. On les trouve de nos jours un peu partout: dans les entreprises turco-azéries, dans les structures éducatives, voire dans le corps diplomatique turc. Leur apport islamique au pays est souvent limité à la diffusion des œuvres de leur maître Sait Nursi. Des livres en turc, en azéri et en russe présentant les idées de leur maître, «Bediuzzaman», sont distribués dans toutes les régions du pays. Par rapport à l’Asie centrale où ils sont aussi présents, les Nurcu en réussi l’impossible: la formation sur place de disciples locaux, azéris, aux idées du mouvement nurcu.
Lors d’une mission à Sheki, dans le nord du pays, j’ai pu constater le bon fonctionnement d’un cercle «purement azéri» de lecteurs de la Risale-i Nur. Habituellement, le maître, Abi[29], qui dirige le cercle est originaire de Turquie, mais, dans le cas de Sheki, il est Azéri, ce qui prouve à quel point le mouvement s’est «indigénisé». Le lien avec la Turquie demeure tout de même puisque à des dates régulières, des Abi azéris se rendent en Turquie pour parfaire leur formation et revenir au pays pour pérenniser le mouvement. L’enseignement religieux pourvu dans ces cercles est de deux ordres: apprentissage aux idées de Sait Nursi et initiation à la prière. Un phénomène frappe le chercheur qui observe ces cercles: pendant leurs discussions religieuses – sohbet – les intéressés ne lisent pas le Coran, mais uniquement les œuvres de leur maître Sait Nursi. Interrogés sur ce fait, ils me répondirent que de toute façon la Risale-i Nur est une exégèse du Coran et que de ce fait lire la Risale-i Nur revient à lire le Coran, et à le comprendre.
Issus du mouvement nurcu, les Fethullahci ont cependant un mode de fonctionnement qui diffère nettement de celui de leurs collègues turcs. So
us la houlette de Fethullah Gulen, le mouvement s’est édifié dans les années 70 en Turquie, s’est renforcé dans les années 80 grâce à la libéralisation de l’économie turque puis, dans les années 90, la dislocation du bloc socialiste aidant, le mouvement s’est implanté dans toute l’ancienne sphère socialiste, notamment dans le Caucase et en Asie centrale[30]. En Azerbaïdjan, leurs premières incursions remontent à la fin des années 1980 mais leur véritable installation dans tout le pays commence en 1991 et 1992 quand le pays devient indépendant et qu’il se montre très désireux d’établir des liens privilégiés avec la Turquie. De nos jours, on les trouve dans toutes les villes du pays et dans pratiquement tous les secteurs de la vie économique et sociale.
Cependant, la «grande affaire» des disciples de Gulen sont les écoles, les lycées privés qu’ils ont implantés dans toutes les régions de l’Azerbaïdjan. Il existe 10 lycées dans tout le pays (4 à Bakou, les autres en province) et une université directement gérés par ce mouvement néo-confrérique. A cela il faut rajouter les 10 dershane, établissements spécialisés dans la préparation des étudiants aux concours universitaires. La scolarité y est organisée sous forme de cours du soir. La part de ces institutions dans le développement d’une éducation et d’un enseignement islamiques se caractérise de la manière suivante: les lycées gérés par le mouvement ne sont pas des écoles religieuses, de plus l’islam n’est pas enseigné, à part dans certaines écoles où est dispensée une matière intitulée «histoire des religions», apparentée surtout à un cours d’histoire. Cependant, dans les internats, les foyers et appartements privés des enseignants les cercles fethullahc diffusent les enseignements de leur maître Fethullah Gulen. Il s’agit d’un Islam sunnite, marqué par la tradition soufie de la nakchibendiyya et un certain nationalisme turc modéré. En Turquie comme dans tout l’espace eurasiatique où ils sont présents, les disciples de Fethullah Gulen, fidèles à l’enseignement du père fondateur Sait Nursi, cherchent à concilier dans leurs établissements l’Islam avec les nouvelles technologies, la modernité et la science[31]. La littérature qu’ils véhiculent, leur comportement religieux (pratique du ramadan, de la prière, interdits alimentaires et refus des boissons alcoolisées) participent indirectement à l’implantation dans le pays d’une éthique islamique, même s’ils n’imposent généralement aucune pratique religieuse à leurs élèves.
Un autre courant islamique turc impossible à ignorer tant ses activités sont importantes en Azerbaïdjan est celui de Osman Nuri Topbas, leader religieux très marqué par l’enseignement d’Aziz Mahmud Hudayi, un mystique turc du 16ème, lui-même influencé par la confrérie nakchibendiyya. Important lieu de pèlerinage, le site où se trouve la tombe de ce mystique abrite aussi un grand complexe socio-éducatif à Uskudar. La grande devise de Topbas est, en toute fidélité au maître Bahauddin Nakchibendi, «l’amour entre les gens et la solidité des liens sociaux»[32]. D’où l’importance accordée aux activités sociales et aux œuvres caritatives. En Azerbaïdjan, le Azerbaycan Gençlerine Yardm Fondu (Fonds d’Aide aux Jeunes d’Azerbaïdjan) est une émanation de ce mouvement stambouliote. L’association met au service des jeunes des cours de langue (anglais, arabe, cours d’éthique...) et distribue des aides diverses et variées aux plus nécessiteux, notamment aux réfugiés de la guerre du Karabagh[33].
Le discours islamique véhiculé par cette association est une philosophie sunnite nakchibendie, politiquement marquée par un patriotisme turc déclaré. Son rôle dans le renouveau islamique est indéniable. Pour ne donner qu’un exemple, chaque année, à l’occasion du mois de ramadan, elle organise tous les soirs des iftar (rupture du jeûne) auxquels sont conviés plus de trois cent personnes de toute la ville. Moment de retrouvailles et de convivialité, ces iftar sont suivis de discussions théologiques. Les activités de l’association caritative (et du mouvement religieux) ne se limitent pas à Bakou. En province, dans la ville de Sheki, une école coranique et une école professionnelle sont gérées par l’association. De même, à Agdas, une madrasa a été inaugurée par les disciples de Topbas qui vient régulièrement en Azerbaïdjan pour motiver les siens. En bons termes avec le pouvoir en place, les représentants de ce courant ont obtenu la gestion de la filiale «Zagatala» de l’université islamique de Bakou. Dans toutes les villes où elle est présente, cette association suscite l’admiration des habitants qui trouve en elle une ONG active et proche des gens[34]
Les courants islamiques turcs, certes majoritaires en Azerbaïdjan, n’ont pas le monopole de l’activisme islamique dans le pays. Des influences arabes et iraniennes ont participé à leur manière au remodelage de l’islam azerbaïdjanais. Ainsi, la mosquée Abu Bakir, située non loin de la gare ferroviaire de Bakou, avec la mosquée dite lezghi de la vieille ville et quelques autres, offre un bon exemple du développement du wahhabisme venu du monde arabe. En effet, en termes de provenance géographique, il est permis de la classer dans la catégorie «courant arabe» dans la mesure où la plupart des imams qui animent ces mosquées ont été formés soit en Arabie saoudite soit dans d’autres pays où la philosophie wahhabite très active. Par exemple, Gamet Suleymanov, imam de la mosquée Abu Bakir, a suivi un cursus islamique en Arabie Saoudite, à l’Université internationale de Médine[35]. Tout en rejetant le vocable wahhabite, il se définit comme salafiste, adepte de la tradition du prophète. Plus que le terme wahhabite c’est effectivement ce terme salafiste ou traditionaliste qu’il faudrait utiliser pour désigner ce courant très rigoureux et obsédé par le retour à un Islam tel qu’il existait au temps du prophète Mahomet. Cet Islam est sunnite, il convient de le rappeler et il a parfois une attitude plus qu’hostile envers le chiisme dans un pays où pourtant la coexistence entre les deux écoles est bien acceptée par tout le monde. En province, cet enseignement existe également, notamment dans les villes du nord du pays, à majorité sunnite (Sheki, Zagatala, Gakh) où des étudiants formés dans le monde arabe ont implanté des cercles wahhabites[36]. La proximité du Daghestan où l’Islam a de tout temps était très puissant explique aussi la forte prése
nce du wahhabisme dans les régions azerbaïdjanaise frontalières.
La troisième source d’influence de l’Islam azerbaïdjanais est l’Iran qui partage avec l’Azerbaïdjan une longue histoire commune et une proximité chiite même si, il est crucial de le rappeler, les liens entre les deux chiismes furent rompus avec l’avènement de l’Union soviétique. On a beaucoup parlé de l’influence de l’Iran dans le renouveau de l’Islam en Azerbaïdjan depuis une dizaine d’années. Parce que l’Iran est le plus grand pays chiite du monde et qu’historiquement l’actuel Azerbaïdjan a fait partie de l’Empire séfévide, les experts de la région ont anticipé il y a quelques années sur l’inévitable développement d’une influence islamique cruciale de l’Iran en Azerbaïdjan. Il est vrai que durant les premières années de l’indépendance, la curiosité réciproque des uns et des autres a développé les liens, y compris religieux, entre les deux rives de l’Araxe.
Dans la région de Lenkaran et d’Astara, proximité géographique oblige, de nombreux mollahs iraniens (souvent ethniquement des Azéris) sont venus prêcher «la bonne parole» au début de la décennie 1990. De nombreuses madrasa non enregistrées, des écoles religieuses informelles somme toute, ont été crées avec le soutien de prédicateurs venus d’Iran[37]. Dans la région de Bakou, des activistes iraniens ont eux aussi joué un rôle dans le renouveau islamique dans le pays au début de cette même décennie. La présence de deux centres culturels iraniens dans la capitale et celle du comité de secours Khomeyni (Humeyni Imdad Komitesi), ont incontestablement favorisé le développement d’une influence religieuse iranienne.
Cependant, au fur et à mesure que le pouvoir central de Bakou s’est restructuré, il a mis sur pied des mécanismes de contrôle du religieux, notamment par la création du Comité d’Etat aux affaires religieuses et par le resserrement du contrôle sur la DAS. De ce fait, de nombreuses madrasas ont été fermées. De même, le nombre d’étudiants azéris inscrits dans les écoles religieuses en Iran a baissé, en partie à cause de la pression exercée par le gouvernement azéri pour dissuader les nouveaux candidats au départ et convaincre ceux qui y sont de rentrer au pays[38].
Il reste cependant encore des centaines d’étudiants azéris en Iran, dans les villes phares du chiisme comme Kom, Machhad ou Téhéran. Les centres culturels iraniens et l’Ambassade iranienne à Bakou ne donnent que peu de données sur la coopération religieuse entre les deux pays[39]. De façon générale, les échanges religieux entre les deux Etats souffrent des mauvaises relations politiques qui existent entre Bakou et Téhéran. Des fonctionnaires religieux rencontrés dans le sud de l’Azerbaïdjan, tout près de frontière iranienne, interrogés sur leurs liens avec l’islam iranien, me répondirent qu’ils avaient été déçus par l’attitude de l’Iran qui dès l’indépendance de l’Azerbaïdjan, «a tenté de leur apporter non pas l’Islam mais une propagande politique basée sur l’iranisme»[40]
De son côté, la diplomatie iranienne a elle aussi peur d’un éventuel irrédentisme de l’Azerbaïdjan sur la province iranienne du même nom. Est-il nécessaire de rappeler que, des deux cotés de l’Araxe, la population est identique, elle est azérie, parle la même langue et pratique en principe la même foi même si le Nord a été largement sécularisé. Les autorités iraniennes craignent que la République post-soviétique ne soutienne en sous main les militants, présents au nord et au sud de l’Araxe, qui projettent de réunifier les deux Azerbaïdjan et de fixer la capitale à Tebriz[41]. Le désaccord sur le partage des richesses de la Caspienne, dont le droit international ne spécifie pas si elle est une mer ou un lac, constitue une autre pomme de discorde entre les deux Etats[42]. Ces mauvaises relations bilatérales rendent plus difficile l’implantation des influences chiites iraniennes en Azerbaïdjan, sans parler de la politique officielle de l’Etat qui veut mettre le pays à l’abri de toute influence religieuse iranienne[43].
Conclusion: l’avenir des liens entre sunnisme et chiisme
L’Azerbaïdjan est pratiquement le seul pays musulman où la frontière entre sunnisme et chiisme est extrêmement floue. La colonisation russe, puis la gestion du pays par un régime soviétique foncièrement athée pendant plus de soixante-dix ans, expliquent dans une très large mesure les raisons de cette absence de frontière entre sunnisme et chiisme. De plus, la politique de l’Etat en matière religieuse va dans le sens d’un effacement de la frontière entre les deux écoles. Mais en dépit de la lutte du pouvoir soviétique contre la religion et de la politique d’uniformisation religieuse menée par les autorités post-soviétiques, la carte religieuse du pays reste tout de même inchangée: depuis des siècles, le Nord du pays est plutôt sunnite tandis que le Sud est à dominance chiite. La région de Bakou, pôle d’attraction et centre cosmopolite, est à la fois chiite et sunnite. La direction des affaires spirituelle dont il a été question précédemment reflète la double tradition de l’Islam local. Ainsi, si le Sheikh ul Islam est chiite, son adjoint est sunnite. Les délégués qui siègent dans ce conseil national religieux ne sont pas recrutés sur des critères d’appartenance au sunnisme ou au chiisme. Chaque région élit son délégué et l’envoie à Bakou pour qu’il représente les musulmans de sa «paroisse» sans distinction de philosophie religieuse.
L’implication de l’Etat dans les affaires religieuses répond à des considérations identitaires: l’objectif du pouvoir est de créer un citoyen qui ne se définit pas avant tout par son sunnisme ou chiisme, mais par son attachement au patriotisme azerbaïdjanais. De ce fait, les structures de l’Etat, dans leur tentative de création d’un Islam national et patriotique, cherchent à davantage gommer la frontière entre sunnisme est chiisme. Exercice difficile dans la mesure où les courants religieux venus de l’étranger cherchent tous à renforcer leur propre confession dans le pays.
Notes
[1] Entretien avec Elçin Eskerov, directeur du centre d’études religieuses, Dini Arasdrmalar Merkezi, Bakou, 30 octobre 2002 et 5 mai 2003.
[2] Antoine Constant, Histoire de l’Azerbaïdjan, Paris, Karthala, 2002.
[3] Jean et André Sellier, Atlas des peuples d’Orient, Moyen-Orient, Caucase, Asie centrale, P
aris, La Découverte, 1993, pp. 118-120.
[4] Chantal Lemercier-Quelquejay, «Islam and Identity in Azerbaijan», Central Asian Survey, vol. 3, n° 4, 1984, pp. 29-55.
[5] Chantal Lemercier-Quelquejay, ibid.
[6] Audrey L. Altstadt, The Azerbaijani Turks. Power and Identity under Russian Rule, Hoover Institution Press, Stanford University, 1992, pp. 15-26.
[7] Le terme ghazavat, tombé en désuétude, vient de l’arabe et a une connotation très religieuse, car il est souvent utilisé par désigner une guerre sacrée contre une religion ennemie. Le dirigeant d’une ghazavat, Gazi, jouissait d’un prestige considérable auprès des populations musulmanes.
[8] Chantal Lemercier-Quelquejay, op. cit.
[9] Alexandre Bennigsen, Les musulmans oubliés, l’Islam en Union soviétique, Paris, 1981.
[10] Alexandre Bennigsen, ibid.
[11] Deux autres lieux de pèlerinage comparables à ceux-ci méritent d’être cités. Le premier est le tombeau de l’Imam Zadeh Ibrahim, fils du 5ème Imam Mohamed Bakir. Situé à une dizaine de kilomètres de la ville de Gence, il a toujours été un des hauts lieux de la religiosité populaire. Le second, Ashab e Kehf, s’apparente davantage à un qadem gah (empreinte des pas, ici d’âmes pieuses qui auraient été persécutées à cause de leur foi) et se trouve dans la province de Nakhtchivan. Pour une liste exhaustive des lieux représentatifs de l’Islam parallèle en Azerbaïdjan, voir Meshedihanim Ne’mat, Azerbaycanda Pirler, Dovlet Nesriyati, 1992, 100 p. (plus annexes).
[12] Tair Faradov, «Religiosity and Civic Culture in Post Soviet Azerbaijan: A Sociological Perspective», Amin B. Sajoo, Civil Society in the Muslim World, Contemporary Perspectives, London, Tauris, 2002, pp. 194-213.
[13] L’article 7 de la Constitution souligne le caractère séculier de l’Etat. Cette séparation de l’Etat et de la religion est rappelée dans l’article 18 qui insiste sur le caractère séculier du système éducatif. Enfin, l’article 48 précise les cadres de la liberté religieuse dont disposent les citoyens et les associations.
[14] Tair Faradov, op.cit.
[15] Mir Mövsum est un saint apparu en pleine période soviétique (décédé en 1950). Il était une personne infirme physiquement («il n'avait pas d'os»: un genre de myopathie, d'après son attitude sur les photos) mais apparemment douée d'une grande force spirituelle et auteur de multiples miracles, y compris en faveur de non-musulmans. La maison qu’il a occupée dans la vieille ville de Bakou et son tombeau situé à une quarantaine de kilomètres de la capitale constituent d’importants lieux de pèlerinage.
[16] Il existe plusieurs travaux sur les rapports entre l’Etat et la religion en Asie centrale. Voir l’étude récente menée par l’International Crisis Group, «Central Asia: Islam and State», N° 10, juillet 2003, disponible sur www.icg.org
[17] Entre 4000 et 5000 Azerbaïdjanais de culture musulmane se seraient converti au christianisme, suite au prosélytisme mené par plusieurs sectes chrétiennes venues des Etats Unis et d’Europe. Les motivations de ces convertis, aucunement analysées jusqu’à l’heure actuelle oscillent entre intérêt économique et la satisfaction d’avoir trouvé une «nouvelle famille». Entretien avec Samed Bayramzedeh, Secrétaire général du Comité d’Etat pour les affaires religieuses, Bakou, 3 février 2002.
[18] Xristiyan Tarigatçi missiyoner tashkilatlari Azerbaycanda, Siyasi, Ma’navi, ideoloji tehribat (Les organisations missionnaires chrétiennes en Azerbaïdjan, méfaits politiques, moraux et idéologiques), livret édité par l’Organisation Nationale de la Jeunesse d’Azerbaïdjan, un organisme d’Etat créé pour encadrer la jeunesse. Le livret a été édité à deux reprises, en 1997 et en 2000.
[19] Elchin Eskerov, «Dunyevi tehsil sisteminde dini tedris» (L’enseignement religieux dans le système éducatif séculier), étude non publiée, généreusement fournie par les auteurs.
[20] La première partie du livre, intitulée philosophie islamique, contient huit chapitres dans lesquels les auteurs expliquent les principes fondateurs de l’Islam. La seconde partie est plus historique et retrace la vie du Prophète. On ne constate dans ce livre aucune référence au clivage sunnisme-chiisme. Financée en partie par l’Etat, cette ONG tente, elle aussi, de participer à l’émergence d’un Islam national qui ne tienne pas compte des appartenances à l’une ou à l’autre école.
[21] Voir les différents bulletins d’information édités par ce comité, en particulier celui de novembre 2003. On y trouve notamment la liste de toutes les associations religieuses enregistrées dans le pays. Voir également le site du Comité: www.addk.org Cependant, et les responsables de cette revue le reconnaissent, toutes les associations religieuses, notamment certaines étrangères, pratiquent leurs activités sur le sol du pays sans même avoir pris le soin de demander un enregistrement officiel. Entretien avec Idris Abbasov, président du Comité d’Etat pour les affaires religieuses dans la République autonome de Nakhtchivan, Nakhtchivan, 11 décembre 2003.
[22] Les matières enseignées dans l’université sont Qiraat, Tecvid, Fikh (sunnite et chiite), langue arabe, langue persane, grammaire arabe, langue et littérature azérie, histoire azérie, histoire islamique, hadiths, Tefsir, géographie, anglais, littérature générale, cours de conversation en arabe.
[23] Entretien avec Elçin Esenov, enseignant à l’université islamique, Bakou, 5 mai 2003.
[24] La Diyanet, Direction turque des affaires religieuses a d’autres activités en Azerbaïdjan comme la construction de mosquées, l’envoi en Turquie de certains cadres religieux azerbaïdjanais ou encore la distribution à travers tout le pays d’une abondante littérature islamique éditée en Turquie.
[25] Entretien avec Suleyman Akkus, recteur adjoint de la faculté de théologie de l’université de Bakou, 29 janvier 2003.
[26] Il est l’auteur d’une traduction du Coran en azéri, une traduction saluée par toutes les personnalités religieuses du pays.
[27] Un mouvement radical turc, dit Suleymanci (du nom de son fondateur, Sulyeman Tunahan), a tenté de s’implanter en Azerbaïdjan au début de la décennie 1990. Constatant que son idéologie n’avait aucune chance de séduire la population locale, il a quitté le pays. En février 2
004 le même mouvement est revenu en Azerbaïdjan et a pu obtenir un enregistrement auprès des autorités du pays. Entretien avec Abdullah Sanli, responsable de l’association des disciples de Suleyman Tunahan en Azerbaïdjan.
[28] Sait Nursi (1873-1960) est le fondateur d’un puissant mouvement islamiste turc proche de la confrérie Nakchibendiyya. A la mort du leader, le mouvement s’est scindé en plusieurs tendances. De nos jours, plusieurs courants islamiques turcs se réclament de son héritage et déploient en Turquie d’intenses activités religieuses sous forme éducative, éditoriale ou académique.
[29] Le terme Abi signifie «frère aîné» en turc et il est souvent utilisé comme une formule de politesse même en l’absence de liens de parenté. Dans le jargon du mouvement nurcu, il désigne les disciples porteurs d’une mission, l’initiation des jeunes aux idées du groupe.
[30] Sur ces écoles en Asie centrale, voir Bayram Balci, Missionnaires de l’Islam, les écoles privées de Fethullah Gülen en Asie centrale, Paris, Maisonneuve et Larose, 2003, 300 p.
[31] Sur les idées de Nursi, voir Hakan Yavuz, «Said Nursi and the Turkish Experience». The Muslim World, vol. 89, n° 3-4, 1999. Voir également, Serif Mardin, Religion and Social Change in Modern Turkey, The Case of Bediüzzaman Said Nursi, New York, State University of New York Press, 1989, 267 p.
[32] Voir le site du mouvement, www.gonuldunyamiz.com et celui d’une revue qui lui est liée, Altnoluk, www.altinoluk.com (à la date du 3 mai 2004).
[33] Son site www.eurazia.com établit une liste de ses activités caritatives dans le pays.
[34] Entretien en décembre 2003 avec des fidèles de la région de Agdas et de Mingecevir où l’association est présente.
[35] Entretien avec Gamet Suleymanov, Imam de la mosquée Abu Bakir, 12 mai 2003.
[36] Quelques données, difficilement vérifiables, apparaissent régulièrement dans la presse azerbaïdjanaise. Voir par exemple l’article de Rovsen Novruzoglu dans le quotidien Zerkalo du 4 janvier 2002.
[37] Ces informations sont difficiles à vérifier car nos seules sources sont les témoignages oraux recueillis auprès des habitants lors des enquêtes sur des événements qui ont eu lieu entre 1990 et 1997, à une époque ou l’auteur ne travaillait pas encore sur l’Azerbaïdjan.
[38] Voir les articles de presse des quotidiens 525ci gazet et Azadliq de la dernière semaine de décembre.
[39] Entretien avec le conseiller culturel de l’Ambassade d’Iran, Bakou, 6 mai 2003.
[40] Entretien avec Haji Sedi, axund de la mosquée-vendredi de Lenkeran, 14 mai 2003.
[41] Tel était le projet de l’ancien président de l’Azerbaïdjan, Ebulfeyz Elçibey, idée souvent reprise par une frange des médias azerbaïdjanais.
[42] Farian Sabahi, «Oil Diplomacy in the Caspian. The Rift between Iran and Azerbaijan in Summer 2001», Farian Sabahi and Daniel Warner (dir.), The OSCE and the Multiple Challenges of Transition in the Caucasus and Central Asia, Ashgate, Reading, January 2004.
[43] Lors de l’entretien qu’il nous a accordé, Samed Bayramzadeh, secrétaire général du comité d’Etat pour les affaires religieuses, faisait remarquer que l’Azerbaïdjan n’avait besoin ni de l’influence islamique turque ni de celles qui viennent d’Iran. Cependant, entre les deux, il préférerait l’influence turque qui selon lui ne représente pas de menace pour la stabilité politique de son pays. Bakou, 3 février 2003.
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© 2004 Bayram Balci.