A l'occasion du 19e congrès de l'Association internationale pour l'histoire des religions, qui s'est déroulé à Tokyo du 24 au 30 mars 2005, une session a offert l'occasion de faire le point sur la situation religieuse dans la Mongolie post-socialiste.
Il n'a pas fallu longtemps à beaucoup de Mongols pour retrouver les voies de la croyance religieuse, si l'on en juge par les chiffres cités par le professeur Samdan Tsedendamba (Université nationale de Mongolie) au cours de son exposé sur "Les transformations de la croyance et de la conscience religieuse après la démocratisation mongole". Lors de l'enquête sociologique qu'il avait menée en 1982-1983, 80% des participants disaient n'avoir aucun lien avec la religion. Lors d'une enquête similaire en 2004, plus de 66% se qualifiaient de croyants, auxquels pouvaient être ajoutés quelque 15% d'hésitants.
A l'inverse, les athées déterminés étaient un peu moins de 7% - mais il ne faut pas s'y tromper, affirme le chercheur mongol: les campagnes d'athéisme ont laissé leur empreinte sur le pays, les Mongols ont grandi jusqu'à il y a peu dans un environnement athée et opèrent aujourd'hui un libre choix en décidant ou non de s'affilier à une religion - un nouveau type de croyant émerge donc. En outre, note l'auteur, ces chiffres ne permettent pas de déterminer la variété des motivations derrière l'affirmation de croyance.
Si la Mongolie est un pays à majorité bouddhiste, les pratiques chamaniques y jouent un rôle important: le mélange de pratiques bouddhistes et chamaniques est fréquent, tandis que peu de Mongols ne pratiquent que le chamanisme. Plus de 60% de la population est bouddhiste. Alors qu'il ne restait en 1990 qu'un seul monastère, avec une centaine de lamas, plus de 4.900 lamas sont aujourd'hui actifs à travers la Mongolie, avec plus de 180 temples et monastères légalement enregistrés.
Seconde religion du pays, l'islam est propre à la minorité kazakh et se trouve concentré dans certaines provinces. Il regrouperait 8 à 9% de la population. Les musulmans disposeraient aujourd'hui de 34 mosquées et d'une madrassa.
La démocratisation de la Mongolie a eu pour conséquence la diffusion récente du christianisme et de nouvelles religions. Selon le professeur Tsedendamba, la croissance du christianisme serait rapide. Les chiffres qu'il cite sont surprenants, puisqu'il affirme que le pourcentage des chrétiens serait en passe de devenir équivalent à celui des musulmans. Cependant, les chrétiens sont divisés en de multiples groupes et ne présentent donc pas un témoignage uni. La plupart des groupes chrétiens ou d'origine chrétienne (catholiques, évangéliques, adventistes, mormons, Témoins de Jéhovah...) seraient actifs principalement dans la capitale, Oulan Bator.
La même observation vaut pour des mouvements religieux d'origine orientale (baha'is, groupes né-hindous, Ananda Marga. Mais l'extension aux zones rurales est en cours.
Selon les observations du chercheur mongol, ces différents nouveaux groupes - chrétiens et non chrétiens - recruteraient principalement leurs adeptes parmi les jeunes et dans les milieux les moins aisés de la population mongole.
La présence de ces nouveaux acteurs religieux exerce également une influence sur le bouddhisme: cette "concurrence" stimule les bouddhistes non seulement à devenir plus actifs, mais aussi à ne pas offrir uniquement des rituels et à mieux expliquer les principes de leur religion. En arrière-plan se profile en outre la question de la réaffirmation de l'identité nationale et des valeurs traditionnelles à travers le bouddhisme, d'une part, et de la mondialisation des croyances par la multplication des groupes religieux nouvellement apparus, d'autre part.