A l'origine de ce livre, intitulé tout simplement La naissance des nouvelles religions et publié en 2004, une constatation faite presque simultanément par les deux directeurs de ce volume collectif: le vocabulaire courant des chercheurs enquêtant sur des mouvements religieux de naissance récente (19e et 20e siècles) omet la plupart du temps de distinguer entre "nouvelles religions" et "nouveaux mouvements religieux". A tort, estiment Reender Kranenborg (Université libre d'Amsterdam) et Jean-François Mayer (Université de Fribourg, Suisse).
En effet, du point de vue de l'histoire des religions, il s'agit de phénomènes différents, sous l'angle de leurs relations avec des traditions antérieures. Kranenborg et Mayer soulignent que la plupart des groupes religieux émergents sont probablement de "nouveaux mouvements religieux": ils innovent à certains égards, mais demeurent en bonne partie dans l'orbite de traditions religieuses antérieures.
Les deux auteurs suggèrent de réserver l'expression de "nouvelles religions" à des groupes qui, bien que nés pour la plupart dans le sillage d'une tradition religieuse antérieure, finissent par s'en émanciper et distinguer à un tel point qu'ils peuvent devenir - s'ils survivent et prospèrent, ce qui ne sera pas le cas de tous - l'embryon d'une nouvelle tradition religieuse, d'un courasnt indépendant, bien que reprenant certains éléments déjà existants.
Ainsi, le christianisme a vu le jour dans un contexte juif, mais plus personne ne songerait aujourd'hui à le décrire comme une "secte juive", une branche du judaïsme, malgré ses racines juives. Plus près de nous, la religion baha'ie a certes eu pour origine des courants du chiisme iranien au 19e siècle, mais elle n'appartient plus aujourd'hui à la sphère de l'islam: elle a de nouveaux prophètes (même si ceux-ci n'excluent pas leurs prédécesseurs) , de nouveaux livres et lieux saints, un nouveau calendrier, une nouvelle loi religieuse, etc.
Bien entendu, dans la plupart des cas, la coupure n'est pas aussi nette: un chapitre introductif propose d'ailleurs - comme première tentative - quelques critères d'approche pour distinguer autant que possible les deux phénomènes.
Outre cette question au cœur de l'ouvrage, le voume est l'occasion pour différents chercheurs de présenter le fruit de leurs observations sur des groupes particuliers. L'essentiel de l'ouvrage est donc constitué d'études de cas sur des groupes qui soulèvent des questions par rapport à l'interrogation qui a donné naissance à ce livre.
Ainsi sont successivement examinés l'Eglise de l'unification (Sun Myung Moon), le caodaïsme vietnamien (plus d'un touriste en Indochine a eu l'occasion d'y visiter le temple de Tay-Ninh), l'Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours ("mormons"), les Brahma Kumaris (un groupe né dans l'entre-deux-guerres dans le sous-continent indien), la Révélation d'Arès (nom d'une localité sur les bords du bassin d'Arcachon, en France, et site d'une révélation contemporaine aux traits originaux), la religion baha'ie (sans doute le groupe le plus proche de l'idéal-type d'une nouvelle religion) et l'aumisme (groupe numériquement petit, mais largement médiatisé en raison des controverses survenues autour du Mandarom).
Jean-François Mayer et Reender Kranenborg (dir.), La naissance des nouvelles religions, Genève, Georg Editeur, 2004 (212 p.).